‘‘La servante écarlate’’ : une série bouleversante

La série télévisée (à voir sur Netflix) est une adaptation du livre du même nom écrit par Margaret Atwood en 1985 (réédité sous le titre ‘‘l’histoire de la servante’’), avec de bons acteurs et une brillante réalisation.

Attention, cet article comprend des spoils. 

La série débute avec June, le personnage principal, qui essaie d’échapper avec sa fille à un groupe paramilitaire d’hommes armés. Ils lui arrachent sa fille des bras, la frappent jusqu’à ce qu’elle tombe inconsciente et la chargent dans un fourgon. À la fin du premier épisode, nous découvrons que ce même groupe paramilitaire a renversé le gouvernement américain pour le remplacer par un régime théocratique.

Le monde a été ravagé par un fléau à la suite duquel la plupart des personnes ne sont plus capables de se reproduire. Les femmes pouvant encore enfanter sont arrêtées et offertes en cadeau aux nouvelles familles dirigeantes où elles sont violées et utilisées comme mères porteuses.

Ainsi, June fait partie d’un groupe de femmes désignées sous le nom de ‘‘Servantes’’, des femmes pour qui la vie et en particulier la reproduction sont strictement contrôlées.

Chaque mois, lors de la ‘‘cérémonie’’, elles sont violées par le chef de la famille dans le but ‘‘d’offrir’’ un enfant au couple.

Division

Dans la république réactionnaire de Gilead, les femmes sont divisées en groupes spécialisés : les Tantes qui torturent et lavent le cerveau des Servantes jusqu’à ce qu’elles soient dociles, les Marthas qui travaillent en tant que cuisinières et femmes de ménage pour les familles riches et les épouses des commandants.

À côté des Servantes, des Tantes, des Marthas et des femmes de l’élite, une cinquième catégorie existe sans être reconnue: les femmes contraintes à la prostitution. Ces groupes représentent les archétypes répressifs des femmes.

Un élément remarquable de la série se situe dans les monologues intérieurs de June qui sont à la fois une expression de résistance et d’affirmation de son humanité. Le scénario de cette série est extrêmement dystopique, mais on devient mal à l’aise en réalisant que la vie à Gilead n’est en réalité qu’une amplification des maux de la société actuelle.

En effet, une adolescente irlandaise enceinte a, cette année encore, été placée par son psychologue dans une institution de soins psychiatriques car elle souhaitait avorter.

Le gouvernement américain de Trump veut permettre aux États de ne plus financer les institutions pratiquant l’avortement. Ce sont là des exemples de la façon dont les régimes capitalistes, souvent main dans la main avec les instances religieuses, exercent un contrôle sévère sur la procréation.

Au Maryland, il est possible pour les victimes de viol de devoir négocier avec leur violeur la garde de leur enfant. Et ça, c’est encore sans avoir parlé des États théocratiques pouvant être comparés sans exagération avec Gilead.

A Gilead, les femmes doivent renoncer à leur identité précédente. June devient ‘‘Defred’’, un dérivé du nom de son maitre : Fred. Qu’elle s’appelle ‘‘de Fred’’ souligne son appartenance à l’homme.

Approche de classe

Dans la série, on nous confronte constamment avec la déshumanisation des Servantes. Selon l’idéologie de la famille ‘‘traditionnelle’’, toujours fortement d’actualité, les jeunes filles reçoivent depuis des siècles le nom de famille de leur père à la naissance et ensuite celui de l’homme qu’elles épousent.

Dans le livre d’Atwood, la république de Gilead n’est pas seulement sexiste, mais également raciste. La série télévisée ne s’avance pas sur cette question d’oppression raciale qui est présente dans chaque coup d’État de droite. Gilead est en cela aussi une société de classes.

À un certain moment, on entend dans le monologue intérieur de Defred que le chauffeur du commandant à un ‘‘statut inférieur’’. On l’apprend, car il ‘‘ne peut pas encore se voir assigner une femme’’.

Les rapports entre classes dans la série sont présents dans la répartition des femmes et dans les interactions entre les femmes des différentes classes.

Tandis qu’aucune femme ne peut occuper de fonction dirigeante ou posséder de biens, ni même lire, les femmes de l’élite sont relativement mieux loties et n’ont pas la propension à souhaiter des changements fondamentaux. Elles soutiennent l’oppression des Servantes, renforçant encore de par ce fait l’oppression générale.

Féminisme bourgeois

Cette trahison est mise en exergue par la maitresse de Defred : Madame Waterford, ancienne ‘‘féministe’’ influente devenue religieuse fondamentaliste et qui a du mal à supporter de ne pas pouvoir jouer de rôle politique.

Cela fait immédiatement penser à ces ‘‘féministes’’ de la classe dominante, du genre d’Hillary Clinton, dont la politique de démantèlement social a des répercussions néfastes pour les femmes qui n’appartiennent pas à l’élite.

Des conservateurs ont rapidement catégorisé cette série comme une histoire consacrée à l’extrémisme islamiste. Ils cherchent volontairement à éviter toute autre similitude. Tim Stanley, chroniqueur au Telegraph, écrivait ainsi : ‘‘Certains voient dans cette série une critique de Trump et de la droite religieuse américaine. C’est petit.

L’idée que l’Amérique chrétienne conservatrice se transforme en un parc à thème du Moyen-âge est absurde’’. Le magazine Salon a réagi à cette argumentation : ‘‘Regardez comme ces conservateurs réalisent une gymnastique mentale pour se convaincre eux-mêmes que La servante écarlate ne parle pas d’eux.’’

La première saison s’achève avec le message prometteur que même à l’encontre du régime le plus répressif, la résistance est possible à travers la solidarité. Les Servantes commencent également à comprendre que le système est totalement dépendant de leur rôle reproducteur.

Un peu comme le capitalisme aujourd’hui est totalement dépendant du travail de la classe ouvrière !

Publié en octobre 2017 dans ‘The Socialist’ (journal du Socialist Party – organisation soeur du PSL en Irlande)


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