FILM – Suffragette

Un point de vue partiel de la lutte des ouvrières pour le suffrage universel.

‘Suffragette’ raconte l’histoire de Maud Watts, une blanchisseuse de l’est de Londres. Surmenée par son travail, elle est envoyée dans le quartier du West End à Londres pour livrer un colis. Soudain, des femmes commencent à briser les vitrines des magasins rue d’Oxford – c’est la première fois que Maud voit des suffragettes en action.

Agressée et maltraitée par son patron, elle est politisée par ses expériences d’inégalité de classe et de genre. Travaillant de longues heures pour un salaire moindre que celui de son mari, elle est captivée et emportée par le mouvement des suffragettes.

La politisation de Maud est une réplique de celle de milliers de femmes qui constituaient à l’époque une nouvelle force de travail.

Dans l’est de Londres, la grève des 1400 travailleuses d’une usine d’allumettes avait initié une vague de ‘‘nouveau syndicalisme’’. Les travailleurs semi-qualifiés et intermittents ont inondé le mouvement syndical. Tout en construisant ces syndicats, les femmes et les hommes organisaient politiquement leur classe sociale contre la pauvreté et l’inégalité dont ils sont victimes.

Au début, Maud est réticente à se joindre aux suffragettes, pensant que cette lutte est impossible à remporter. Mais après avoir été arrêté par la police lors de sa première manifestation et lorsque son mari réagit mal à ses idées politiques, elle rejoint le mouvement.

Différences de classe

Le film montre les pertes énormes que subit par la suite Maud en raison de ses convictions politiques, des pertes que beaucoup de femmes riches ne connaissent pas.

Cette inégalité entre les femmes riches et pauvres dans le mouvement est mise en avant lorsque l’épouse d’un député est sortie de prison laissant derrière elle les autres femmes de la manifestation souffrir aux mains de la police.

Au final, Maud perd tout pour la cause, y compris son travail, son mariage et son jeune fils.

Alors qu’il est positif de voir une perspective différente au mouvement des suffragettes, celle de la classe ouvrière, on trouve toutefois de grandes lacunes au film. Les autres blanchisseuses sont présentées comme opposées à Maud et à sa politique.

La classe ouvrière organisée

En réalité, beaucoup de gens issus de la classe ouvrière étaient organisés et résistaient aux inégalités et à la pauvreté. La politisation de Maud est présentée comme un acte isolé. Elle rejoint en secret un petit groupe de suffragettes, principalement issues de la classe moyenne.

À cause de ces femmes, elle est arrachée de son lieu de travail et de son foyer et devient convaincue par l’action directe individuelle qui caractérise le souvenir que l’on a du mouvement des suffragettes.

En réalité, les ouvrières ne se sont pas contentées de suivre les classes moyennes dans ce type d’actions. En particulier dans les filatures de coton du nord de l’Angleterre, les travailleuses se sont organisées collectivement, y compris à travers des actions de grève pour le droit de vote.

Selina Cooper, une militante du mouvement de l’époque, a déclaré que les femmes de la classe ouvrière comme elle ‘‘ne veulent pas que leur pouvoir politique soit une manière de leur permettre de se vanter qu’elles sont enfin sur un pied d’égalité avec les hommes.

Elles veulent l’utiliser dans le même but que les hommes, afin d’obtenir de meilleures conditions de travail. (…) Toutes les femmes en Angleterre aspirent à leur liberté politique afin de rendre leur vie de travailleuses plus agréable et pour promouvoir les réformes qui sont tant voulues.’’

Cette citation était clairement la principale motivation de femmes comme Maud. Mais cet élément n’est pas apporté dans ‘Suffragette’.

Sylvia Pankhurst

Un personnage commente dans le film que ‘‘même Sylvia Pankhurst’’ est contre l’approche individuelle du militantisme de sa mère et de sa soeur. Le film suggère que Sylvia était plus modérée ou conservatrice, alors qu’en réalité c’était le parfait opposé. Sylvia Pankhurst était une socialiste, qui a par la suite visité la Russie après la Révolution.

Elle voulait maintenir les liens entre le mouvement des suffragettes et le mouvement des travailleurs et avait compris que la lutte pour le droit de vote n’était qu’une partie de ma lutte pour l’égalité des femmes. Elle pensait qu’il était nécessaire d’attirer plus de personnes dans le mouvement plutôt que de s’orienter vers des actions individuelles.

Dans le film, il est développé que briser des fenêtres leur ont permis de disposer d’une meilleure couverture médiatique et que les grèves de la faim et le fait d’être nourries de force leur ont attiré la sympathie du public.

Sylvia a regardé au-delà de cette attention médiatique, vers un mouvement de masse de la classe ouvrière qui aurait pu être construit à ce stade. Un tel mouvement aurait pu non seulement gagner le droit de vote, mais aurait permis un changement complet de société afin de se libérer des inégalités et de la pauvreté.

Publié en octobre 2015 dans « The Socialist » (journal du Socialist Party – section soeur du PSL en Angleterre).


Partagez cet article :

ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.