Ca y est, c’est l’été, la saison des festivals et des parcs… Et il est bien possible que vous y rencontriez des activistes de la Campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) derrière un stand (comme à Dour) ou en allant à la rencontre de militants portant tracts, autocollants, badges et brochures ! Et, souvent, un dialogue s’engage sur les origines du sexisme, la manière de le combattre, ce que la Campagne ROSA propose et ce qui en fait une campagne si particulière. Vous n’avez pas encore eu l’occasion de nous rencontrer ? Imaginez-vous en plein soleil et une boisson fraiche à la main, nous allons répondre à quelques-unes de vos questions !
On parle beaucoup de sexisme pour l’instant, mais qu’est-ce que ça peut changer?
On ne fait pas qu’en parler, on se mobilise aussi ! Et de manière massive ! En Inde contre les viols et leur impunité, en Amérique latine contre les féminicides (1), aux Etats-Unis contre Trump et les nombreuses attaques des conservateurs contre des droits tels que l’avortement, l’accès aux soins de santé,… Le phénomène #MeToo a lui aussi conduit à des actions concrètes, comme chez McDo auxs USA et dans les centres de Google à travers le monde où des grèves ont eu lieu contre le harcèlement et le sexisme au travail et pour de bonnes conditions de travail. Certains parlent d’une “troisième vague féministe” après la première vague du début du siècle dernier pour le droit de vote des femmes et la journée des 8 heures et la deuxième vague des années 60-70 pour la libération sexuelle et le droit légal à l’indépendance économique.
La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars est redevenue une journée de lutte où non seulement l’on occupe la rue, mais où l’on fait grève aussi pour l’égalité salariales entre femmes et hommes, pour des crèches gratuites,… En bref, pour de meilleures conditions matérielles sans lesquelles une réelle émancipation est impossible.
Il n’y a pas si longtemps, on nous répétait sans cesse que le sexisme, c’était fini, que les femmes pouvaient obtenir des postes à responsabilité, que l’égalité existait dans la loi,… Et, donc, en gros, qu’on devait se taire. Alors, déjà, c’était du flan. Mais, en plus, la politique d’austérité qui a suivi l’éclatement de la crise économique il y a dix ans a encore renforcé la position des femmes en tant que ‘‘citoyenne de seconde zone’’.
Qu’est-ce que l’austérité vient faire avec le sexisme ?
C’est vrai, beaucoup de gens pensent directement aux publicités et à l’objetisation du corps des femmes lorsqu’on parle de sexisme. Nous combattons bien entendu tout cela. Mais, par exemple, lorsqu’on est victime de violence domestique – première cause de mortalité des femmes de moins de 45 ans en Belgique, loin devant les accidents de la route – c’est encore plus difficile de quitter son compagnon si on se trouve en situation de dépendance financière. Les mesures qui bloquent nos salaires, qui réduisent les allocations sociales si l’on est en couple, la chasse aux chômeurs,… tout cela impacte encore plus gravement les femmes.
Selon nous, combattre le sexisme signifie de combattre la position de second rang occupée par la majorité des femmes dans cette société. Cela implique une lutte contre les bas salaires et les mauvaises conditions de travail, qui empêchent d’obtenir une réelle indépendance économique. Mais aussi une lutte pour une société qui prend en charge collectivement les services et les soins aux personnes (enfants, personnes âgées, malades, …), aujourd’hui essentiellement porté par les femmes. Pour ce travail domestique, celles qui ont les moyens font appel au secteur privé, aux conditions de travail – des femmes majoritairement – désastreuses ; pour les autres, ce sont des journées sans fin… Il faut nous battre pour arracher plus de moyens pour les services publics, au lieu de réduire les budgets comme le font les gouvernements actuels.
Vous êtes anticapitalistes ?
Oui, clairement. Le sexisme existe parce que le système capitaliste a besoin qu’il existe. Le sexisme est une source d’argent gigantesque (cosmétiques, mode, porno…) tandis que toutes les tâches qui sont prises en charges gratuitement par les femmes représenteraient aussi des moyens gigantesques s’ils étaient pris en charge par la société, comme ce devrait être le cas.
Le capitalisme entretient et nourrit le racisme, le sexisme, la LGBTQI+phobie (2) pour diviser la population en différentes catégories et les monter les unes contre les autres. De cette manière, l’infime élite au sommet de la société peut continuer à exploiter plus facilement la majorité de la population.
Nous défendons une société où les richesses seraient utilisées pour satisfaire les besoins de chacun et chacune dans le respect de la planète, et ce n’est possible que si le pouvoir économique est retiré des grandes entreprises pour être collectivisé. Notre féminisme est donc un féminisme socialiste.
Mais du coup, que proposez-vous pour combattre tout ça ?
Nous menons des actions contre la marchandisation et l’objectification de nos corps, ainsi que pour l’indépendance économique des femmes. Ces revendications font partie intégrante de la lutte contre le harcèlement, la culture du viol et les violences sexistes (dans les écoles, les quartiers, les campus, les lieux de travail). Nous prenons également le temps de discuter des revendications et méthodes nécessaires pour mener cette lutte et organiser des actions.
Nous participons aux mobilisations contre la politique d’austérité et pour la construction d’un puissant mouvement social des travailleurs (avec et sans-emplois) et des jeunes. Ce mouvement sera d’autant plus fort s’il assure l’implication des femmes et intègre les revendications qui les touchent plus spécifiquement. C’est pourquoi nous défendons la syndicalisation des femmes, y compris dans les secteurs les plus précaires (intérims, titres-services, travail social) dans lesquels de nombreuses femmes travaillent. Actuellement en Belgique, ce sont les mouvements syndicaux qui réunissent le plus de femmes en lutte, leur potentiel n’est donc pas à sous-estimer.
Nous défendons la construction d’une lutte unifiée des groupes opprimés et exploités contre le système capitaliste. Nous participons donc à diverses actions et mobilisations contre le racisme, contre l’homophobie, la transphobie, la lesbophobie,…
Nous plaidons pour la construction d’un mouvement ‘‘pro-choix’’, c’est-à-dire un mouvement défendant un programme permettant aux femmes de réellement être en mesure de décider d’avoir un enfant ou pas. Cela signifie que nous défendons autant le droit et l’accès à l’avortement, à une éducation sexuelle de qualité, à la contraception que le droit d’avoir des enfants sans risquer de tomber dans la pauvreté.
Enfin, la construction de la solidarité internationale est également au coeur de notre campagne. Nous organisons des actions de solidarité avec les différentes luttes des femmes et contre les discriminations à travers le monde. Nous participons également aux mobilisations de soutien aux sans-papiers, parmi lesquels se trouvent de nombreuses femmes.
Notes
(1) Tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes. Ce terme ne décrit pas le sexe de la victime, mais la motivation pour laquelle elle a été tuée : le sexisme.
(2) LGBTQI : Lesbiennes, gays, bisexuels, trans, queers, intersexes