Série. « It’s a sin » (disponible sur RTBF Auvio)

La série dramatique brillante, inspirante et profondément émouvante de Channel 4, It’s A Sin, a touché une corde sensible chez beaucoup de gens depuis sa sortie. Cette série en cinq parties suit un groupe d’amis et de colocataires vivant à Londres entre 1981 et 1991.

Les scènes joyeuses et pleines d’espoir de jeunes LGBTQ profitant de leur vie au Pink Palace (le nom qu’ils ont donné à leur appartement) sont progressivement éclipsées par l’effroyable épidémie de sida. L’impact tragique de l’épidémie sur leur vie est ressenti avec acuité tout au long du film, tout comme l’humiliation qui l’accompagne, enracinée dans l’homophobie flagrante encouragée par le gouvernement Thatcher, dont l’indifférence et l’inaction criminelles ont contribué à aggraver l’épidémie.

Par Kevin Henry, Socialist Party (section d’Alternative Socialiste Internationale en Irlande)

Nous sommes témoins de l’impact humain de la LGBTQ-phobie à travers les luttes des personnages lors de leur coming out, et les préjugés qu’ils sont ensuite forcés d’endurer. Le premier épisode commence avec Rosco, dont les parents s’organisent pour le renvoyer au Nigeria après avoir découvert sa sexualité.

Il y a ensuite Colin, originaire du sud du Pays de Galles, qui ne peut faire son coming-out qu’après avoir rencontré un collègue plus âgé et ouvertement gay, et Ritchie, qui goûte à la liberté de la vie étudiante, appréciant la scène gay londonienne mais incapable de faire son coming-out auprès de ses parents conservateurs de l’île de Wight.

Chaque épisode fait un saut de deux ans. Le sida passe peu à peu d’une maladie largement méconnue, dont beaucoup ignorent les dangers réels, à une épidémie aux conséquences dévastatrices pour les personnages du Pink Palace.

Une série inspirée par la vie de l’auteur

La série est écrite par Russell T. Davies, qui a également écrit la série révolutionnaire Queer As Folk, et plus récemment Cucumber, Banana and Tofu, qui explorent également le thème de la sexualité. La série a été inspirée par le fait que Davies a grandi en tant qu’homosexuel dans la Grande-Bretagne des années 1980, ce qui l’a profondément marqué.

Il a déclaré que l’idée originale d’It’s A Sin est venue d’une blague qu’on lui a racontée à la fin des années 1980 à propos d’une production d’une comédie musicale, Seven Brides for Seven Brothers, où les sept frères étaient morts du sida.

Cette histoire s’est retrouvée dans le scénario et est racontée par Gloria, le premier des personnages à apprendre qu’il a contracté le sida. Gill, l’un des personnages les plus inspirants de la série, est inspiré d’un ami de Davies et apporte un soutien affectueux à Gloria pendant son horrible épreuve.

L’une des rares critiques formulées à l’encontre de la série est que la vie de Gill n’est pas examinée de manière indépendante comme le sont certains autres personnages.

Davies a noté que la période couverte par la série était une époque où les personnes LGBTQ avaient le sentiment que la société allait dans la bonne direction, suite à la dépénalisation de l’homosexualité en Grande-Bretagne en 1967. Cependant, la situation de cette communauté allait être repoussée avec le cruel retour de bâton conservateur autour du sida.

Les discriminations vécues par les personnes atteintes du sida

Depuis la diffusion de l’émission, les médias ont couvert de nombreuses histoires sur les horreurs vécues par les personnes atteintes dans les années 1980. Ils étaient notamment contraints de subir un “régime de toast”, terme donné à la pratique du personnel de santé consistant à pousser leur nourriture sous les portes de leur chambre d’hôpital, croyant par ignorance qu’un contact étroit entraînerait une contagion.

La série aborde la façon dont les patients atteints du sida et leurs familles étaient traités : tentatives des autorités locales de détenir les patients sous clé ; familles recevant des injures homophobes ; partenaires interdits de funérailles ; salons funéraires refusant les personnes décédées ; ou familles brûlant tous les biens du défunt. L’ampleur de la crise est illustrée par des scènes poignantes dans les hôpitaux où sont traités les malades du sida.

Honte d’être séropositif

L’un des principaux thèmes abordés est celui des effets déchirants du manque d’information et de la honte d’être séropositif. Le film montre des personnes ayant recours à des remèdes maison, notamment des vitamines et même des substances nocives comme l’acide de batterie.

Il dépeint les campagnes homophobes, mais aborde également la croyance que le sida est une théorie du complot – un sujet particulièrement percutant à l’heure de la pandémie mondiale.

Plus important encore, il traite des conséquences de l’absence de dépistage par peur de la honte. À la fin du dernier épisode, Gil fait comprendre que les personnages de la série, mais surtout un nombre incalculable de personnes dans le monde réel, auraient pu être sauvés si, au lieu de campagnes d’hystérie et de honte, des campagnes d’information avaient été menées à destination de la population.

À plusieurs reprises, les pressions auxquelles sont confrontés les jeunes travailleurs LGBTQ sont évoquées. Colin doit faire face au harcèlement sexuel d’un patron prédateur. Lorsque Gloria tombe malade, il commente qu’il perdra son emploi dans les bus londoniens parce qu’il est gay, sans parler du sida.

De même, Ash travaille dans une école et doit cacher sa sexualité, mais il est également chargé de parcourir la bibliothèque de l’école pour trouver tous les livres qui violent la section 28 de Thatcher, qui interdisait le matériel “promouvant l’homosexualité” dans les écoles.

Manque d’information sur les vies des personnes LGBTQI+

La plaisanterie qu’il adresse à ses amis met en évidence une vérité pour de nombreux jeunes d’aujourd’hui : loin d’être inondés de ce genre de matériel, les jeunes LGBTQ ont du mal à trouver du matériel dans lequel ils peuvent se reconnaître. Il est révélateur qu’un jeune critique ait déclaré qu’il en avait appris davantage sur “les vies LGBTQ+ grâce à It’s A Sin que pendant mes 13 années d’études”.

Le scénario de Davies n’est pas centré sur la politique, mais il n’évite pas non plus les questions politiques. Certains des personnages principaux participent à l’organisation d’une marche et d’une manifestation “Die-In” devant une grande entreprise pharmaceutique qui tire profit du sida, et l’un des personnages résume la situation : “Nous mourons et ils en profitent.”

Une intrigue captivante et déchirante

En regardant la série, on ne peut s’empêcher d’être happé par l’intrigue captivante et déchirante qui ne retient pas ses coups. La nature horrible du sujet est brisée par l’humour, parfois très noir, tout au long de la série, mais surtout par la bravoure des personnes impliquées.

On ne peut s’empêcher de regarder avec admiration les personnes qui étaient au milieu de tout cela et qui étaient prêtes à se battre contre l’homophobie.

Parmi eux, d’innombrables militants socialistes qui n’ont pas hésité à s’attaquer à cette question importante. Il est également important de se rappeler que les importantes victoires de la communauté LGBTQ et le recul de la LGBTQ-phobie au cours des dernières années ne sont pas tombés du ciel, mais ont été obtenus de haute lutte et avec courage.


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