« La femme, la vie, la liberté » : Quel programme pour une révolution iranienne victorieuse?

Les manifestations de masse actuelles pourraient être le début de la fin du régime des Mollahs, elles pourraient aussi déclencher une vague de protestations dans toute la région.

En guise de contribution aux discussions sur l’avenir du mouvement en Iran, les membres et sympathisants de ROSA International et d’Alternative socialiste internationale (ASI) – l’organisation internationale dont le PSL est la section belge – ont élaboré un programme de revendications.

Les événements explosifs en Iran, qui ont déjà des répercussions directes sur l’Irak et l’Afghanistan, continuent de prendre de l’ampleur. Les écoliers, les écolières en particulier, descendent en masse dans les rues. Les étudiants d’une université ont même été crier face au président Raisi. Des actions de grève ont eu lieu, notamment dans la partie kurde de l’Iran, mais jusqu’à présent, la classe ouvrière s’est largement limitée à un soutien passif (de nombreuses grèves ont toutefois eu lieu l’année dernière). Les enseignants, majoritairement des femmes, font cependant figure d’exception. La manière dont le mouvement va se développer reste une question très ouverte, dont la réponse dépend largement du rôle que la classe ouvrière va jouer.

Les manifestations de masse actuelles pourraient être le début de la fin du régime des Mollahs, elles pourraient aussi déclencher une vague de protestations dans toute la région. ASI et ses partisans ont soutenu activement la lutte en Iran et ont construit une solidarité internationale avec le mouvement en Iran. En guise de contribution aux discussions sur la voie à suivre pour le mouvement en Iran, nous avons développé le programme de revendications ci-dessous. Un programme est évidemment quelque chose de vivant, qui peut être adapté au fur et à mesure que le mouvement se développe. N’hésitez pas à nous faire part de vos réactions.

Vous trouverez de plus amples informations en farsi sur les comptes Instagram et Facebook de ROSA.

« Femme, vie, liberté ». Un programme pour gagner

  • Justice pour Jina (Mahsa) Amini, Nika Shakarami et toutes les autres personnes tuées par le régime ! Pour une enquête complète sur ces cas et d’autres cas similaires. Cette enquête doit être menée par des représentants démocratiquement élus du mouvement révolutionnaire ;
    Luttons pour la fin des violences, notamment à l’encontre des femmes et des personnes LGBTQIA+ ;
  • Stop à l’oppression et à la violence d’État ! Il faut se débarrasser de la « police des mœurs », des Gardiens de la révolution et de tout l’appareil répressif. Pour la libération de tous les prisonniers politiques, syndicalistes, étudiants et écoliers. Pour la fin de la surveillance et du contrôle : suppression de toutes les interdictions d’accès à internet et aux autres moyens de communication ;
  • La police et les autres structures répressives doivent être tenues loin des écoles, des universités, des lieux de travail et des communautés ;
  • Construisons le mouvement en organisant des réunions sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités pour discuter des revendications concrètes du mouvement et élire des représentants démocratiques pour coordonner les protestations et l’autodéfense du mouvement ;
  • Pour la fin de toutes les lois et réglementations discriminatoires ! Pour l’égalité des droits pour les femmes, les personnes LGBTQIA+ et toutes les minorités religieuses, nationales et ethniques. Pour la suppression de toutes les lois religieuses et tous les codes vestimentaires : pour le liberté de chacun de porter ce qu’il ou elle souhaite, ce qui signifie le droit d’enlever le hijab, mais aussi de le porter si on le veut ;
  • Pour le plein droit à l’organisation syndicale et politique. De nombreux travailleurs et jeunes ont créé des structures syndicales illégales au cours des dernières décennies, malgré la répression. Il convient de les développer et de les mettre en réseau afin qu’elles puissent constituer la base de la reconstruction du mouvement ouvrier et syndical dans tout le pays ;
  • Le mouvement ouvrier doit jouer un rôle actif, les syndicats doivent étendre les grèves pour soutenir le mouvement et lier leurs revendications économiques à celles visant à mettre fin à la répression ;
  • Pour l’autodétermination physique et l’indépendance des femmes et des personnes LGBTQIA+ : droit au divorce, fin des mariages forcés, pour un enseignement inclusif vis-à-vis des personnes LGBTQIA+ et l’égalité des droits dans les soins de santé, avec accès à la contraception et à l’avortement ;
  • L’accès des femmes et des personnes LGBTQIA+ aux emplois, au logement et aux services sociaux, indépendamment de toute influence religieuse. La lutte pour ces droits est internationale et montre qui sont les véritables sœurs (et frères) dans cette lutte : pas celles et ceux qui sont au pouvoir et qui prétendent défendre les femmes tout en attaquant les droits des femmes dans leur propre pays, comme cela s’est produit récemment aux États-Unis. Nos alliés sont les millions de personnes qui descendent dans la rue en Argentine et en Pologne, en Chine et aux États-Unis pour défendre les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ ;
  • L’oppression des minorités ethniques, religieuses et nationales était et reste un instrument de division et de conquête des élites en Iran. Nous défendons un État multiethnique qui garantit les droits fondamentaux tels que la liberté de langue, de culture, etc. Le peuple kurde et les autres minorités doivent avoir le droit à l’autodétermination, jusqu’à et y compris le droit de se séparer de l’État iranien s’ils le souhaitent ;
  • La fin du pouvoir des mollahs, économiquement, politiquement et socialement. Dans un nouvel Iran, les structures démocratiques de la révolution remplaceront les structures répressives des mollahs. La religion deviendra une affaire privée ;
  • Pour l’unité des étudiants et des universitaires avec le mouvement ouvrier. Pour l’expansion du mouvement à toutes les régions, districts et lieux de travail et pour la construction de structures démocratiques de coordination ;
  • Les manifestations de masse sont énormes et sapent la base politique du régime. Une prochaine étape doit toucher les fondements économiques du régime. C’est possible en organisant une grève générale pour renverser le régime et occuper les institutions et les entreprises de l’État et de ses partisans ;
  • Pour la création de comités d’autodéfense multiethniques afin de protéger le mouvement dans les écoles, les universités, les communautés et les lieux de travail contre les attaques de l’État et des institutions religieuses ;
  • Il faut faire appel aux rangs inférieurs de la police et de l’armée pour qu’ils refusent d’exécuter les ordres visant à réprimer le mouvement. Un appel doit également être lancé en direction des travailleurs ordinaires dans les différents secteurs de l’appareil d’État, dans l’administration, dans les industries d’État, etc., pour qu’ils fassent blocage à la répression. Des structures démocratiques, comme des comités de soldats, peuvent permettre de défendre ces droits ;
  • Ces structures démocratiques peuvent rejoindre les comités similaires qui existent et se développent dans les entreprises et sur le lieu de travail, et peuvent être utilisées pour organiser la distribution de nourriture, d’eau et de biens de première nécessité, elles peuvent commencer à prendre le relais là où l’État se retire et jeter les bases de la prise de contrôle des industries clés et des richesses du pays ;
  • Des réformes ou des modifications limitées de la constitution ou de la législation ne répondront pas aux aspirations en faveur d’un changement fondamental. Lors d’élections prétendument « démocratiques » pour un nouveau parlement, ceux qui pourront se présenter comme candidats seront choisis par les élites et non par les masses populaires qui mènent actuellement la lutte. Le régime actuel doit être remplacé par des structures véritablement démocratiques reposant sur les organes de lutte qui se développent sur les lieux de travail et dans les communautés. Il faut construire une démocratie entièrement nouvelle reposant sur le pouvoir et la force des masses, des travailleurs qui font tourner l’économie, des femmes, des paysans et des jeunes ;
  • Pour l’établissement de conseils de travailleurs dans tout le pays afin d’assurer le renversement complet de l’appareil d’État, des gardiens de la révolution et de toutes les institutions religieuses, ainsi que pour le contrôle et la gestion démocratiques de l’économie, en particulier des industries clés comme le pétrole. Pour la nationalisation de toutes les entreprises privatisées sous contrôle des travailleurs ;
  • Pour la publication de toutes les informations concernant les entreprises et les informations internes de la structure centrale de l’État. Il faut que soit rendu public là où sont passées les richesses créées par les millions de travailleurs en Iran, et qui sont les représentants du régime qui en profitent. Que la comptabilité soit ouverte et que l’on passe à l’expropriation ;
  • Que les richesses soient utilisées au bénéfice de celles et ceux qui les ont produite. Pour un salaire décent sans écart de rémunération entre les genres. Pour lutter contre l’inflation, les prix doivent être contrôlés par des structures de la classe ouvrière organisées démocratiquement. Les salaires doivent être liés à la hausse des prix. Il est possible de mettre un terme à la pauvreté en expropriant l’élite et en utiliser l’argent afin de financer entièrement les soins de santé et l’enseignement ainsi qu’en assurant de bonnes allocations aux personnes retraitées et aux personnes dans le besoin ;
  • La production doit satisfaire les besoins nécessaires, les ressources et richesses du pays doivent permettre de mettre fin à la pauvreté, à la faim et au chômage. C’est également la base pour mettre fin à l’exploitation de la nature qui conduit à la sécheresse et aux pénuries alimentaires. Seule une économie et une agriculture organisées et planifiées démocratiquement peuvent sauver les petits agriculteurs de l’exploitation par les propriétaires terriens et les multinationales, et garantir la conservation des espèces, de l’eau et de la nature ;
  • De Téhéran à Kaboul, de Zahedan à Bagdad : pour l’expansion du mouvement révolutionnaire dans toute la région en un mouvement pour une fédération de pays socialistes ;
  • N’accordons aucune confiance dans les puissances impérialistes. Les impérialistes américains et européens ont vigoureusement soutenu le régime brutal du Shah et, aujourd’hui encore, ils ne voient dans l’Iran qu’une source de pétrole et de gaz bon marché. La Chine et la Russie ne valent pas mieux ; elles exploitent et oppriment les populations dans leurs propres pays et travaillent main dans la main avec le régime iranien. Pour la construction d’une organisation indépendante et révolutionnaire de la classe ouvrière et de la jeunesse afin de garantir qu’après la chute du régime, les représentants et les entreprises de l’Occident ou de l’ancienne famille du Shah ne s’approprient pas les richesses du pays.

Un programme pour le mouvement de solidarité internationale

  • Il faut construire un mouvement de solidarité internationale à partir de la base – sur les lieux de travail, dans les écoles, les universités et les quartiers, avec les mouvements féministes, LGBTQI+, des jeunes, des travailleurs et des syndicats en première ligne ;
  • Le mouvement ouvrier joue un rôle central à cet égard : non seulement parce que nombre de ses collègues sont eux-mêmes issus de dictatures, mais aussi parce que le fait de vaincre les dictatures et l’exploitation améliore les conditions des travailleurs du monde entier. Les organisations de travailleurs doivent utiliser leurs canaux et leurs médias pour informer et participer activement aux manifestations, les soutenir et, surtout, soutenir les travailleurs des entreprises qui font des affaires avec le régime afin qu’ils ne soient pas affectés ;
  • Stop à l’hypocrisie : contre les livraisons d’armes par les Etats impérialistes et contre les guerres impérialistes dans la région et dans le monde. Cela signifie, dans les entreprises commerçant directement ou indirectement avec l’Iran, l’ouverture totale de toute l’administration -ci et son examen par des représentants du mouvement ouvrier ;
  • Déclarons la guerre au réseau d’espionnage du régime dans le monde entier : pour la suppression de tous les privilèges diplomatiques, pour la fin de toute coopération avec les autorités du régime, les ambassades et les réseaux de ce régime de terreur doivent disparaître ! Pour la publications de tous les documents d’entreprise, accords et contrats pour mettre au jour les relations économiques entretenues, mais aussi pour savoir quels militants sont menacés ;
  • Les personnes originaires d’Iran qui fuient ou ont fui dans d’autres pays doivent accéder à des droits pleins et entiers : leur droit de séjour ne doit pas être soumis au contrôle ou à l’influence des autorités iraniennes, ce qui implique la suppression des visas et autres restrictions ;
  • Les bénéfices réalisés par les entreprises qui coopèrent ou tolèrent le régime doivent être confisqués et utilisés pour soutenir le mouvement et la reconstruction démocratique. Les employés de ces entreprises ne devraient pas en faire les frais, seulement les propriétaires et les actionnaires ;
  • Les ambassades, les richesses et les biens du régime et de ses partisans à l’étranger doivent être confisqués pour les remettre entre les mains du mouvement de solidarité ;
  • L’accord nucléaire des dirigeants n’est pas une solution. Il faut mettre fin à toutes les sanctions qui affectent les travailleurs et les pauvres ! Une révolution réussie est la meilleure garantie de paix, de sécurité, de liberté et d’autodétermination dans toute la région.
  • Défendons partout le slogan « la femme, la vie, la liberté ». Pour un mouvement mondial visant à renverser le système capitaliste mondial qui engendre l’oppression des femmes et des personnes LGBTQI+, les dictatures, la guerre, la misère et l’exploitation, et visant à la construction d’une démocratie socialiste mondiale.

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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.