INCEL : Andrew Tate et les dangers de la misogynie virale

Andrew Tate est une personnalité hyper sexiste et raciste sur TikTok et Twitter.

Après un échange avec Greta Thunberg sur Twitter, il s’est fait localiser et arrêter pour trafic d’être humain et viol (ce qui n’est pas lié directement à son échange avec Greta Tunberg). Pourquoi une personnalité comme Tate devient-elle populaire et comment peut-on y faire face ?

Par Greyson Van Arsdale, Socialist Alternative (ASI-Etats-Unis)

Andrew Tate est un combattant d’art martial mixte (MMA). Il est devenu viral après avoir été filmé en train de frapper une femme avec une ceinture et l’avoir menacé de mort à l’émission Big Brother du Royaume-Uni. Il a été expulsé pour ses comportements. Depuis, il nourrit la victimisation des jeunes hommes qui blâment les femmes pour leur isolement social.

Les discours d’Andrew Tate, surtout populaires auprès des jeunes adolescents, ont été écoutés des millions de fois sur TikTok et Twitter. Ses admirateurs le défendent ardemment contre toutes les critiques pendant qu’il affirme que les femmes méritent d’être violentées et subjuguées.

Tout comme les médias de droite (tels que Fox News ou Infowars), Tate instrumentalise la controverse sociale et la réaction pour maximiser ses profits. Il enseigne à ses admirateurs à partager ses vidéos les plus controversées pour maximiser les interactions dans la section commentaire afin de profiter du fonctionnement des algorithmes.

Apôtre des INCEL(*)

Bien qu’il ne soit pas une personnalité publique conventionnelle, il influence toute une génération de jeunes hommes qui deviennent incapables de fonctionner dans un environnement qui inclut des femmes.

Des histoires d’étudiants qui refusent de faire des devoirs donnés par des enseignantes font surface sur certains réseaux sociaux. Ces comportements consternent une partie de la jeunesse, particulièrement des jeunes femmes et des personnes LGBTQIA+, qui doivent côtoyer ces jeunes hommes dans leurs cours.

Peu importe ce qu’on peut penser de Tate, il n’est pas le seul responsable de cette normalisation de la misogynie.

(*) néologisme et mot-valise de langue anglaise pour involuntary celibate, célibataire involontaire en français) désigne la culture des communautés en ligne dont les membres se définissent comme étant incapables de trouver une partenaire amoureuse ou sexuelle, état qu’ils décrivent comme célibat involontaire ou inceldom. Ceux qui se déclarent incels sont en majorité des hommes cisgenres et hétérosexuels

Le système est fautif

Notre système économique s’effondre sous ses propres contradictions. Nous sommes en crise sociale et économique. Les entreprises veulent maximiser leurs profits et les gouvernements font des coupures pour les accommoder. Les programmes sociaux et les services publics se font couper.

Les rôles sociaux conservateurs refont surface pour remettre tout le fardeau de la reproduction de notre classe sociale sur la famille, en particulier sur les femmes. Les forces qui représentent cette tendance, comme les partis conservateurs du Canada et du Québec, gagnent en popularité. Andrew Tate bénéficie de la polarisation politique des élites vers la droite.

En réponse à ces changements, les mouvements sociaux de ces dernières années – tels #metoo et #blacklivesmatter – ne se sont malheureusement pas transformés en force sociale organisée avec des perspectives de croissance.

La faiblesse relative de ces mouvements a galvanisé la droite réactionnaire. Cette droite a le champ libre pour prétendre que ce sont les hommes, blancs, cis et chrétiens qui sont les victimes. Cette droite est à l’offensive aux États-Unis avec par exemple des attaques contre les droits à l’avortement et ceux des personnes trans.

Des personnages comme Tate ont pour fonction de faire paraître la minorité réactionnaire plus importante qu’elle ne l’est.

Comment s’attaquer à l’influence des gens comme Tate

L’influence d’Andrew Tate n’est possible que s’il y a une audience pour l’écouter. La crise actuelle pousse les gens à se poser de nouvelles questions pour expliquer pourquoi le monde ne tourne pas rond et pourquoi la vie coûte de plus en plus cher.

La droite proclame que c’est la faute des personnes immigrantes, des femmes et des personnes queers. Elles contamineraient la société avec leurs mauvaises valeurs. Cette perspective réactionnaire rend complètement invisibles les raisons matérielles et systémiques des situations de tout un chacun.

Non, nos loyers ne coûtent pas plus cher à cause des musulmans, mais en raison du rôle joué par les propriétaires – peu importe leur identité – dans la course au rendement. Non, la nourriture ne coûte pas trop cher à cause des personnes queers, mais bien en raison des décisions des directions des grandes compagnies d’épicerie qui se cachent derrière l’inflation pour maintenir les prix déjà trop élevés de leurs produits.

Il nous faut un rapport de force

Qui doit se battre contre ces forces? Les personnes qui paient un loyer. Les personnes qui travaillent dans les supermarchés, qui travaillent en santé, en éducation. Ceux et celles qui récoltent des profits de la crise actuelle ont avantage à accentuer les divisions entre les personnes ordinaires. Mieux vaut les voir s’entre-déchirer au sujet de leurs identités que de les voir s’unir et bâtir un rapport de force massif contre les capitalistes!

Le blâme des femmes, des personnes immigrantes ou des personnes LGBTQIA+ représente un aspect de l’idéologie des puissants. Cette élite fera tout pour légitimer sa richesse et son contrôle politique. C’est notre responsabilité de nous battre à la fois contre leur pouvoir politique et leurs idées pour réellement améliorer nos rapports sociaux.

La gauche et le mouvement ouvrier doivent fournir un véritable contrepoids à la droite. Ils doivent dire la vérité sur les raisons pour lesquelles les choses sont devenues si mauvaises pour les travailleurs et travailleuses. Des décennies de néolibéralisme nous ont laissé avec des salaires abyssalement bas, des services publics affamés et des luttes pour récupérer des miettes.

L’unité de la classe ouvrière

Le mouvement syndical doit prendre position en faveur de l’unité de toutes les personnes de la classe ouvrière. Les syndicats doivent prendre une position ferme contre les attaques de la droite envers les femmes, les personnes LGBTQIA+ et immigrantes. Les syndicats de l’enseignement doivent rejeter les attaques à l’encontre des personnes LGBTQIA+ dans les établissements scolaires et mobiliser contre elles.

Ce type de mobilisations doit être basé sur la construction de mouvements de masse regroupant la majorité des personnes qui veulent lutter contre l’oppression. En réalité, la politique proposée par le Parti républicain ou les conservateurs est profondément impopulaire.

Des personnages comme Tate ont pour fonction de faire paraître la minorité réactionnaire plus importante qu’elle ne l’est.

Les mouvements de défense du droit à l’avortement, de défense des étudiants et étudiantes trans et de l’importance de l’identité de genre dans les soins de santé se heurtent à la droite et au discours de Tate qui y est associé. Les jeunes, les personnes qui étudient et qui travaillent doivent se mobiliser pour lutter sur ces questions.

Remporter des victoires dans ce sens – comme l’obtention du statut de sanctuaire pour l’avortement à Seattle et Madison – fera beaucoup pour freiner la prolifération de la bigoterie.

Comme l’an dernier l’a clairement démontré, la lutte contre la bigoterie et les préjugés n’est pas en progression historique constante d’un point A à un point B. Il peut y avoir d’énormes reculs dans les attitudes.

Ces reculs se traduisent par une menace réelle pour la sécurité des personnes marginalisées. Vaincre les Andrew Tate et les Jordan Peterson de ce monde – ainsi que l’idéologie qui les soutient – est une bataille qui doit être menée par des masses de jeunes, de travailleurs et de travailleuses.

Toutes ces personnes peuvent construire des mouvements où l’unité sur la base de notre classe sociale garantit le respect et la défense de notre diversité.


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