La révolution russe de 1917 : les acquis féministes les plus progressistes de l’Histoire

Dans le cadre du centenaire de la révolution russe, nous réécrivons tout au long de l’année des articles sur cet événement majeur de l’histoire du mouvement ouvrier mondial, afin de lui rendre justice face aux attaques virulentes des médias dominants.

Entre les accusations de coup d’État sanglant ou de complot allemand, il est un sujet auquel ces médias ne semblent pourtant pas pouvoir s’en prendre : les acquis des femmes obtenus par la Révolution russe. Ces conquêtes majeures étaient sans précédent à une époque où le droit de vote des femmes et la liberté économique de celles-ci n’étaient certainement pas envisageables, et ce même dans les pays capitalistes avancés.

100 ans plus tard, le droit au divorce, à l’avortement, la pénalisation du viol, etc. ne sont toujours pas acquis dans de nombreux pays, ou sont menacés de disparaître. Nous revenons sur ces acquis les plus progressistes de l’histoire et sur les méthodes des bolchéviques qui ont soutenu leur développement.

Aucun autre événement dans l’Histoire n’a été davantage détourné par l’idéologie capitaliste que la Révolution russe.

Dans les cours d’histoire, le rôle des femmes n’y est d’ailleurs presque jamais mentionné, et les mesures acquises les concernant inexistantes. Le renversement complet du capitalisme et du féodalisme par la classe ouvrière russe sous la direction du parti bolchevik en 1917 a stimulé un changement radical et inédit dans la société. Les bolcheviks ont été en mesure de prendre le pouvoir, précisément parce qu’ils étaient la voix des masses opprimées, des travailleurs, des pauvres et des femmes.

Aujourd’hui, l’inégalité et l’oppression économiques n’ont jamais été aussi flagrantes: selon le rapport de 2017 d’OXFAM sur les inégalités1, la richesse combinée des 8 personnes les plus riches au monde dépasse celle de la moitié la plus pauvre de l’humanité. Et tandis que cette inégalité continue de croître, il en est de même de l’oppression des femmes et de la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels, trans) à travers le monde, même dans le monde occidental.

Par exemple, en Russie, aujourd’hui, la loi controversée sur la dépénalisation des violences domestiques adoptée par Vladimir Poutine2 entend réduire à une simple amende la peine qui était auparavant de deux ans de prison pour les auteurs de ces violences domestiques. D’autres lois sexistes ont pris place en Turquie3 ou existaient toujours comme en Tunisie4 par exemple autour de la banalisation et de la dépénalisation du viol. Des lois qui, heureusement, ont été abandonnées grâce à une mobilisation victorieuse des femmes.

De l’autre côté de l’Atlantique sévit le ‘‘pussy-grabber’’5 Trump. Après son attaque frontale contre le droit à l’avortement le 23 janvier dernier, son sexisme rampant continue à faire les titres : dernièrement il aurait exigé que les femmes travaillant au sein de son administration ‘‘soient habillées comme des femmes’’6. Trump et les politiciens à la botte du capitalisme remettent en cause les acquis fondamentaux pour lesquels les femmes se sont battues tout au long du 20ème siècle.

Toutefois, les luttes historiques récentes que ce soit en Amérique latine (contre les féminicides), en Europe (la grève des femmes en Pologne et en Islande) ou aux USA, avec plus de 4 millions de participants aux Women’s March, sont l’expression de la vive recrudescence des luttes pour les droits des femmes, et de la volonté de combattre de celles-ci.

L’exemple de la révolution russe

Dans ce contexte, revenir sur les leçons du passé, et particulièrement celles de la Révolution russe, peuvent nous en apprendre beaucoup sur le rôle majeur que peut jouer la classe ouvrière dans son ensemble et les femmes en particulier pour se libérer de de leur oppression au travers des mouvements de masse. Pendant la période révolutionnaire les femmes ont joué un rôle important à la fois dans la chute du régime tsariste et dans la victoire des bolcheviks.

Lorsque des dizaines de milliers de femmes sont descendues dans les rues en février 1917, pendant les événements qui ont déclenché la révolution du même nom, elles criaient pour ‘‘la justice, la paix et le pain’’. La protestation a éclaté lors de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes (le 8 mars, qui tombait le 23 février selon le calendrier julien encore en usage à l’époque en Russie). Tandis que les soldats rejoignaient les rangs des manifestants, les soviets (conseils) – nés lors de la révolution manquée de 1905 et qui avaient été réprimés par le Tsar – ont ressurgi et ont contesté l’autorité du Gouvernement provisoire jusqu’en octobre 1917 et la prise du pouvoir et du palais d’Hiver.

Après la prise du pouvoir, il était clair que les femmes avaient – et allaient – joué un grand rôle. Les bolcheviks, tout en soulignant le rôle de la classe ouvrière dans une société en mutation, ont également reconnu que les femmes souffraient d’une double oppression qui puise ses racines dans l’existence même d’une société de classe. Pour les bolcheviks, la libération des femmes passait par le renversement du capitalisme et était un élément essentiel de la lutte pour une société socialiste.

Les femmes ont joué des rôles dirigeants dans le parti au niveau local et national. L’impact décisif de la révolution a transformé la conscience et la vie des femmes de la classe ouvrière comme jamais auparavant. Le 17 décembre 1917, sept semaines seulement après la formation du premier État ouvrier au monde, le mariage religieux ne fut plus obligatoire et le divorce légalisé. Le mois suivant, une loi marquant l’égalité juridique des hommes et des femmes et abolissant ‘‘l’illégitimité’’ des enfants fut intégrée au code de la famille. La définition du viol fut également changée en ‘‘rapport sexuel non consenti utilisant soit la force physique ou psychologique’’. L’avortement, quant à lui, fut légalisé en 1920.

Tout au long des années 1920, le code de la famille a été modifié, chaque changement étant automatiquement accompagné de débats et de discussions publics. Dès ses premiers jours, la propagande socialiste russe a défendu l’égalité des femmes, mais, pour les bolcheviks, le point crucial était de s’en prendre à l’asservissement des femmes dans la cellule familiale traditionnelle.

Un système de protection sociale fut instauré comprenant des maisons de maternité, des cliniques, des écoles, des crèches et des jardins d’enfants, de même que des cantines publiques sociales et des blanchisseries, toutes destinées à soulager les femmes de leurs corvées ménagères traditionnelles. Un congé de maternité payé à la fois avant et après la naissance fut aussi introduit pour les travailleuses. Des salles d’allaitement furent installées sur les lieux de travail, avec des pauses toutes les trois heures pour la nouvelle mère.

La prostitution fut quant à elle délibérément décriminalisée en 1922 et le proxénétisme interdit. L’objectif était de réduire considérablement les raisons économiques poussant des femmes à cette activité. La même année, le nombre de femmes membres du Parti communiste (le nouveau nom du parti bolchevik) dépassait désormais les 30.000.

Quant aux LGBT, après la révolution, l’homosexualité fut décriminalisée et toutes les lois anti-homosexuels furent retirées du Code criminel en 1922. Il y a également eu des cas de personnes qui ont décidé de vivre en tant que sexe opposé après la révolution. En 1926, il est devenu légal de changer de sexe sur les passeports.

Des personnes ouvertement homosexuelles ont d’ailleurs servi à des postes officiels, comme Gueorgui Tchitcherine, Commissaire du Peuple (ministre) des Affaires étrangères en 1918. Encore aujourd’hui, il parait inconcevable qu’un personnage similaire puisse obtenir une telle position dans la plupart des Etats capitalistes.

Ces importantes conquêtes ont toutefois subi le même sort que la démocratie ouvrière avec l’usurpation du pouvoir par la bureaucratie stalinienne et dégénérescence de la révolution. Elles n’en restent pas moins importantes à étudier pour les luttes d’aujourd’hui. Jamais une direction ou une force politique n’a autant tenté d’obtenir le soutien actif des femmes ou des LGBT.

Certains droits acquis suite à la Révolution russe il y a près d’un siècle, n’existent toujours pas aujourd’hui. Cet événement majeur de l’Histoire de l’humanité reste une grande source d’inspiration. Celle-ci permet de démontrer la connexion inextricable entre la lutte contre toutes les formes d’oppression et la lutte de la classe des travailleurs pour une transformation socialiste de la société La nécessité d’un mouvement large pour les droits des femmes sera discutée (ainsi que le sujet abordé ci-contre) lors de la journée de lancement de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité). Pour en savoir plus sur le sujet, prenez votre prévente et rejoignez- nous le 12 mars à Bruxelles !


Notes

1 https://www.oxfam.org/fr/salle-de-presse/communiques/2017-01-16/huit-hommes-possedent-autant-quela-
moitie-de-la-population
2 http://www.20minutes.fr/monde/russie/2011687-20170209-russie-depenalisation-violences-domestiques-promulguee-vladimir-poutine
3 http: //www.lepoint.fr/monde/turquie–retrait-du-sulfureux-projet-de-loi-sur-le-viol-des-mineurs-22-11-2016-2084760_24.php
4 http://www.20minutes.fr/monde/1983399-20161219-tunisie-loi-permettant-violeur-epouser-victime-devrait-etrerevisee
5 En référence à une vidéo qui a fait scandale où Trump expliquait à un proche : ‘‘Et quand tu es une star, elles te laissent faire. Tu fais tout ce que tu veux. Tu peux les attraper par la chatte’’ (‘‘grab them by the pussy’’ en anglais).
6 http://www.lesoir.be/1432993/article/soirmag/actu-soirmag/2017-02-04/des-femmes-repondent-nouvelle-exigence-sexiste-donald-trump


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.