La lutte paie ! Les 14 euros de l’heure seront introduits à l’UGent

A l’université de Gand (UGent), le Conseil d’administration a approuvé le 5 février dernier la décision de principe d’augmenter les salaires les plus bas à un minimum de 14€ de l’heure. Cette décision ne tombe pas du ciel, elle est le fruit d’une campagne militante de longue haleine !

Par Tim Joosen, délégué CGSP-UGent

A l’université de Gand (UGent), le Conseil d’administration a approuvé le 5 février dernier la décision de principe d’augmenter les salaires les plus bas à un minimum de 14€ de l’heure. Cette décision ne tombe pas du ciel, elle est le fruit d’une campagne militante de longue haleine lancée il y a deux ans par la délégation CGSP à l’université, en coopération avec le Comité de la grève des femmes de l’université. Cette victoire est un sérieux coup de pouce à la campagne nationale « Fight for 14 euros » de la FGTB ainsi que la démonstration éclatante qu’une campagne soutenue et sérieusement organisée peut être couronnée de succès.

En annonçant cette décision, la direction a explicitement fait référence à la campagne de la CGSP qui a bénéficié d’un soutien considérable au sein de la communauté universitaire. Des consultations sociales auront lieu les mois à venir concernant les modalités exactes de l’augmentation, mais il est déjà clair que les salaires les plus bas seront augmentés.

Pour le personnel de l’UGent qui se trouve dans la tranche salariale la plus basse (dans les restaurants et cafétérias notamment), l’augmentation représente plus de 10 %, les salaires les plus bas bénéficiant d’une augmentation nette d’environ 100€ par mois. Bien qu’il s’agisse d’un groupe relativement restreint (une centaine de personnes au début de la campagne, environ 70 actuellement), la victoire n’en est pas moins forte. Cela n’a été possible que grâce à une campagne combative.

Cette dernière liait la revendication de l’augmentation du salaire minimum à celle de la statutarisation du personnel des restos étudiants ainsi qu’à l’internalisation du personnel de nettoyage. C’était idéal pour élargir la base de soutien de la campagne. La réalisation de ces trois revendications représenterait une amélioration considérable des salaires et des conditions de travail du personnel subissant les pires statuts.

La campagne

La CGSP a commencé ses actions en mai 2019. Le 14 octobre de la même année, une vaste campagne de pétition a été lancée auprès du personnel et des étudiants lors d’une journée d’action à laquelle ont participé quelque 70 membres du personnel et étudiants. Au final, la pétition a recueilli plus de 4.000 signatures.

Mais il est rapidement devenu évident que même si une pétition est un bon outil pour engager la discussion avec les étudiants et le personnel, la collecte d’un grand nombre de signatures ne suffirait pas pour obtenir satisfaction. La pétition a illustré le soutien du personnel et des étudiants, mais il en fallait plus pour construire un véritable rapport de force.

C’est pourquoi, dès le début du mois de janvier 2020, une mobilisation pour une grève le 8 mars 2020 a été lancée. Cette action à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes a été organisée en collaboration avec le Comité de grève des femmes de l’UGent. Les grèves ont été principalement organisées dans les restaurants et les cafétérias, les crèches et les services d’entretien. À midi, une action de solidarité au piquet de grève du rectorat a réuni environ 300 grévistes et sympathisants. Puisque faire grève signifie aussi une perte de salaire, un fonds de solidarité a été créé auquel le personnel et les étudiants pouvaient contribuer. Plus de 3.000 euros ont été récoltés. Cet argent a été utilisé pour verser une allocation de solidarité à côté de l’indemnisation de grève à celles et ceux qui avaient des difficultés financières. Tout cela montre à quel point la campagne était soutenue.

Confrontée à un soutien si solide, la direction de l’université a été forcée de céder. Avant même la grève du 8 mars 2020, des négociations ont été entamées sans qu’aucune concession concrète ne puisse être obtenue. La grève a donc bel et bien pris place.

En mai 2020, la direction a donné une réponse concrète à l’une des trois revendications de la campagne : un engagement de principe pour que le personnel des restos, des cafétérias et des crèches puisse être nommé et dispose d’un statut. En septembre 2020, la direction a débattu de l’internalisation du personnel d’entretien : c’était la première fois depuis l’externalisation à la fin des années 1990 qu’un tel sujet était à l’ordre du jour. Finalement, le Conseil a décidé de ne pas approuver l’internalisation pour le moment, mais d’ajuster les conditions d’appel d’offres de telle sorte que les nouveaux sous-traitants soient invités à améliorer leurs conditions de salaire et de travail afin de les rapprocher le plus possible de celles en vigueur à l’université. Cette nouvelle procédure d’appel d’offres s’étend jusqu’à la fin du mois de mars 2021. Si le secteur de l’entretien ne répond pas aux demandes d’amélioration des conditions de travail, l’internalisation sera remise à l’ordre du jour.

La lutte paie !

Enfin, en février 2021, le conseil d’administration a donné son accord de principe pour augmenter les salaires les plus bas. Cela signifie que deux des trois revendications de la campagne ont déjà été satisfaites, et que la troisième est en cours de discussion. Détail piquant : l’augmentation des salaires horaires à un minimum de 14 euros a été approuvée à l’unanimité au sein du conseil d’administration : les représentants des fédérations patronales flamandes VOKA et UNIZO de même que de la N-VA au sein du Conseil d’administration ont donc également donné leur accord… Même la droite dure peut être forcée à faire des concessions.

Cette expérience montre comment concrétiser les revendications de la campagne de la FGTB « Fight for 14€ » et comment des succès peuvent être obtenus. En s’organisant dans les entreprises, en construisant un rapport de force et en liant la revendication à d’autres améliorations des conditions de travail, nous pouvons construire un mouvement de lutte victorieux. Il est frappant de constater que de nombreux membres du personnel de l’UGent étaient heureux qu’avec la campagne « Fight for 14€ », quelque chose de concret ait été fait sur le terrain. Bien sûr, les conditions sur le terrain diffèrent en fonction des secteurs et des entreprises, mais les syndicalistes peuvent certainement trouver un moyen d’introduire cette campagne dans leur propre entreprise également.


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