Le 2 avril dernier la Campagne ROSA (Résistance contre l’oppression, le sexisme et l’austérité), le Violette-Rouge Collective et le TJK-E (deux organisations féministes kurdes) ont appelé à participer à une action pour protester contre le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence envers les femmes. Une trentaine de personnes se sont réunies devant la gare de Liège Guillemins, avec slogans et prises de paroles en solidarité avec les femmes et les personnes LGTBQIA+ de Turquie.
Depuis le 20 mars dernier, les femmes descendent dans les rues d’Istanbul et ailleurs pour s’opposer au choix du président turc Erdogan et du parti conservateur AKP de retirer le pays de cette convention qui reconnaît la nature structurelle des différentes manifestations de violence envers les femmes et qui s’engage à les combattre et les prévenir à une échelle internationale. Elle ne peut être en aucune manière considérée comme une réelle solution contre les violences sexuelles de genre, mais elle établit cependant une limite qui n’est pas seulement juridique, mais aussi symbolique et politique.
La violence envers les femmes en Turquie
En 2020 la Turquie comptait officiellement 330 féminicides mais il ne fait aucun doute que la réalité est bien plus grave. Selon des sources également officielles, 40% des femmes vivant en Turquie ont subi des violences physiques et/ou sexuelles une fois dans leur vie. Avec le retrait de la Convention,
Erdogan légitime la violence envers les femmes comme pratique admissible pour souder les fractures politiques qui menacent sa victoire aux prochaines
élections. Ce n’est pas une coïncidence que la sortie de cette convention arrive de manière simultanée aux tentatives d’exclusion du parlement du HDP (parti démocratique des peuples) qui soutient la lutte féministe et les droits des Kurdes.
Le retrait de la convention d’Istanbul vise à défendre un ordre social où la famille traditionnelle est considérée comme un pilier et où les femmes sont essentiellement reléguées à un rôle familial et subalterne. Il s’agit d’une attaque contre la liberté sexuelle des femmes et des personnes lgbtqia+ dans le cadre d’une offensive qui vise à garder les femmes « à leur place ». L’idée est de renforcer l’idée que le soin aux autres est une tâche « naturelle » des femmes dans un contexte où les soins de santé sont de plus en plus réduits au minimum par des politiques d’austérité.
En dépit des nombreuses critiques de l’UE envers Erdogan, celle-ci n’est pas un refuge pour les droits des femmes et des personnes lgbtqia+. Le président européen Charles Michel l’a encore illustré symboliquement en s’asseyant tranquillement face à Erdogan alors que sa collègue Ursula von der Leyden a dû se contenter d’un divan plus éloigné. Les féminicides, les violences de genre et les discriminations sexistes sont toujours présentes, minimisées et, très souvent, ignorées dans les pays européens qui prétendent incarner l’esprit du ‘gender equality’ et des droits des personnes lgbtqia+.
Résistance !
En tant que féministes socialistes, nous savons que même si la convention d’Istanbul constitue un pas en avant par rapport à la situation qui pré-
valait avant sa signature, seul le renversement du capitalisme peut mettre fin aux violences sexistes. L’ordre capitaliste considère les êtres humains comme une marchandise et ce système se nourrit des oppressions pour se développer. Pour arracher une réelle égalité de genre, les solutions individuelles sont insuffisantes.
Trop souvent les victimes de violences sexuelles, de harcèlement et de discrimination sont stigmatisées lors du dépôt d’une plainte. Cela doit s’arrêter. Les services d’aide aux victimes doivent être renforcés (voire créés dans certains cas), le personnel qui accueille ces plaintes doit être formé et les coupables poursuivis. L’accès aux services de soin, de refuge et de logement doit être démocratisé – notamment par le biais d’un plan de construction massif de logements sociaux et via le refinancement des soins de santé – pour permettre aux victimes de quitter des situations violentes. La Campagne ROSA souligne également que l’émancipation et la libération de la violence sexiste structurelle ne sont pas possibles sans indépendance économique. Cela signifie l’accès à des salaires et des pensions décents.