Ensemble contre la violence de genre dans la vie nocturne

Après avoir été harcelée à plusieurs reprises et avoir ensuite été sermonnée pour cela, il est normal d’essayer de ne pas se retrouver dans pareille situation. Combien de femmes se sentent-elles obligées de se comporter différemment ou ont peur de sortir à une certaine heure ou dans certains lieux ?

À la mi-octobre, une tempête a éclaté sur les réseaux sociaux. La raison : de nombreuses accusations d’abus sexuels après avoir drogué les victimes commis par un barman dans le quartier étudiant du cimetière d’Ixelles. De nombreux témoignages ont suivi sur l’insécurité dans la vie nocturne, ainsi que plusieurs actions avec des centaines de participant.e.s.

Le conseil communal et le pouvoir judiciaire ont enfin fini par se pencher sur l’affaire. Malheureusement, comme trop souvent, uniquement après le tollé public et la pression des actions. L’affaire d’Ixelles est alors devenue une priorité. Mais qu’en est-il des innombrables autres cas ?

Soirée et sexisme

Après une période de crise du coronavirus difficile et, pour beaucoup, solitaire, les jeunes ont enfin pu se retrouver à nouveau ces derniers mois. Malheureusement, trop de jeunes femmes sont confrontées au sexisme lors d’une soirée.

Cela va de remarques inappropriées et objectivantes à des agressions, en passant par la drogue et le viol. L’année dernière, c’est le quartier gantois d’Overpoort qui était à la Une des médias. Aujourd’hui, c’est le quartier étudiant d’Ixelles.

Selon une étude de l’Université de Liège, une étudiante sur cinq est confrontée à une tentative de viol ou à un viol effectif. En Belgique, il y a en moyenne 80 viols par jour. Mais seulement 10% des victimes le signalent.

Cela n’est pas surprenant compte tenu de la culpabilisation des victimes dans la société. Les jeunes filles apprennent à l’école que « C’est de ta faute si les garçons te regardent ou te touchent ! » lorsqu’elles s’habillent d’une certaine manière (il suffit de penser aux codes vestimentaires sexistes dans les écoles).

Les questions auxquelles sont confrontées les victimes du sexisme partent trop souvent de la même idée. Au lieu de : « Pourquoi n’y avait-il pas de bus pour te ramener chez toi ? », « Pourquoi les passants n’ont-ils pas réagi ? » ou « Pourquoi les femmes qui marchent seules sont-elles harcelées comme si elles étaient des objets sexuels ? », nous entendons : « Que faisais-tu là toute seule à cette heure-là ? »

Outre le tabou et la stigmatisation, les nombreuses affaires qui sont rejetées pour « faute de preuves » et le sous-financement général de la Justice n’encouragent pas non plus les plaintes.

La recherche de « safe space »

Après avoir été harcelée à plusieurs reprises et avoir ensuite été sermonnée pour cela, il est normal d’essayer de ne pas se retrouver dans pareille situation.

Combien de femmes se sentent-elles obligées de se comporter différemment ou ont peur de sortir à une certaine heure ou dans certains lieux ?

Cette société sexiste et violente pousse de plus en plus de gens à la recherche désespérée de « safe spaces » (« espaces sûrs » ou « espaces positifs »), comme l’a récemment illustré le café Blond à Gand, fort médiatisé après avoir exigé le départ des clients masculins lors d’une soirée suite à une agression.

Toutefois, les espaces « 100 % sûrs », sous quelque forme que ce soit, restent très difficiles à concrétiser dans une société qui ne l’est pas.

Tant que le système capitaliste existera et que règnera la logique de profit, les femmes occuperont une position de second rang dans la société, leur corps sera considéré comme une marchandise, des normes de genre rigides et malsaines prévaudront,…

Tant qu’il y aura des victimes du sexisme, du racisme et de la LGBTQI+phobie, même dans les « espaces sûrs », aussi bien barricadés soient-ils, la violence persistera.

Le féminisme, en tant que mouvement de lutte, doit s’organiser pour atteindre un objectif ambitieux : un « espace sûr » qui ne soit pas limité dans l’espace, dans le temps ou à certains groupes, mais qui s’étende à l’ensemble de la société.

Réduire la discussion sur l’organisation de cette lutte au genre (« c’est la faute de tous les hommes »), c’est être aveugle au fondement de l’oppression dans la société, c’est absoudre la politique traditionnelle et ce système de leurs responsabilités.

Et cela ne constitue pas une base pour lutter et réellement arracher des choses. La majorité de la population – la classe travailleuse – est victime de ce système et a un intérêt commun à le renverser. La méthode de lutte efficace est d’unir notre classe sociale et de l’engager dans la bataille.

#MeToo et le contexte de lutte féministe socialiste

De nombreuses femmes sont victimes de violence et de harcèlement : à la maison, au travail, à l’école, dans la rue, lors de sorties,… Le développement de mouvements féministes de masse à l’échelle internationale a modifié la conscience collective au cours de ces dernières années.

Les victimes du barman d’Ixelles, comme celles du producteur de la VRT Bart De Pauw, ne sont pas isolées. La colère doit devenir action pour provoquer un véritable changement.

La sensibilisation et les sanctions sont extrêmement importantes. Pourtant, la pratique montre qu’elles ne sont pas suffisantes pour éliminer la violence de genre. En effet, elles ne changent pas le système caractérisé par l’exploitation, le profit et les relations de pouvoir inégales à l’origine de la culture du viol.

Nous avons besoin d’une société aux priorités radicalement différentes avec des services publics correctement financés, comme des transports publics plus nombreux et gratuits, avec plus de personnel et une formation pour réagir aux agressions.

Tous les acteurs de terrain (police locale, éducateurs, personnel médical) doivent être formés à la prévention antisexiste.

Les refuges et l’aide aux victimes (médicale, psychologique, sociale et juridique) doivent être refinancés et une vaste campagne d’information sur les services existants doit être lancée.

Nous exigeons également des investissements publics dans l’enseignement afin que des thèmes tels que le sexisme, le consentement mutuel, etc. puissent être abordés à l’école ; dans la justice afin que les affaires puissent être traitées rapidement et efficacement et dans le suivi spécialisé des délinquants afin de prévenir les rechutes.

Pour que personne ne soit coincé dans une situation de dépendance et donc de vulnérabilité, il faut de bons emplois avec de bonnes conditions de travail, une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires, un salaire minimum de 14 €/heure et suffisamment de logements sociaux au loyer abordable.

Pour stopper la banalisation de la violence à l’égard des femmes, un bon pas en avant serait d’utiliser notre espace public pour l’affichage de campagnes à des fins sociales (comme des campagnes de prévention et de sensibilisation) au lieu de le laisser à la merci de publicités sexistes et hostiles aux femmes dans l’unique but de remplir les poches des capitalistes.

Nous avons besoin de plus d’investissements publics, mais plus encore : nous avons besoin d’une société où les bases matérielles de l’inégalité et de la discrimination n’existent plus !

Une société qui ne produit pas sans cesse de nouvelles générations de violeurs et de victimes, une société où chaque personne se sentirait totalement libre, une société où la production économique partirait de la satisfaction des besoins de toutes et tous.

C’est pourquoi le 25 novembre, Journée internationale de lutte contre la violence envers les femmes, nous descendrons dans la rue avec la campagne féministe socialiste ROSA et défendront une autre société : une société socialiste.

C’est pour ce but que nous visons à entretenir la solidarité entre les jeunes et les travailleurs.euses dans toute leur diversité d’identités.


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.