Les antifascistes battent l’extrême droite à Anvers

Filip Dewinter (Vlaams Belang) fait le tour des universités flamandes pour asséner ses théories complotistes et racistes aux étudiant.e.s Le combat contre le racisme, le sexisme, la LGBTQIA+phobie et tout ce qui nous divise doit redoubler d’intensité.

Filip Dewinter fait le tour des universités flamandes pour asséner ses théories complotistes et racistes aux étudiant.e.s. A Louvain et Anvers, c’est à l’invitation du NSV (Nationalistische Studentenvereniging, organisation étudiante officieuse du Vlaams Belang), à Gand le 1er décembre sous le nom du KVHV (Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, cercle étudiant catholique d’extrême droite). L’objectif de cette tournée est de tenter de rendre le racisme acceptable dans les universités. Cette tournée prend place à l’heure où un débat public se développe dans les universités flamandes au sujet des abus d’autorité et harcèlements sexistes. Le constat ne saurait être plus clair : le combat contre le racisme, le sexisme, la LGBTQIA+phobie et tout ce qui nous divise doit redoubler d’intensité.

C’était d’ailleurs l’intention affichée de la manifestation combattive qui a défilé dans le quartier étudiant d’Anvers. Un appel à la mobilisation a été largement diffusé en quelques jours, appel qui a eu son écho parmi les étudiants. Une pétition a été signée plus de 500 fois. Les campus étaient remplis d’affiches. Finalement, plus de 100 personnes ont manifesté après une mobilisation de trois jours, ce qui a dépassé la participation au meeting du NSV grâce aux efforts combinés des Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA), de la Campaign ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité), Anarchist Collective Antwerp, Fridays For Future et quelques autres organisations et individus. Cette manifestation comprenait également un groupe de membres du personnel de l’Université d’Anvers. L’unanimité de vue s’est rapidement faite concernant la forme de l’action (une manifestation combative dans le quartier étudiant) et sur une approche politique liant le combat antifasciste à des revendications sociales face à la crise du capitalisme.

L’objectif principal de la manifestation était de participer à la construction d’une relation de forces, c’est-à-dire que le camp antifasciste soit plus fort et bénéficie d’un soutien plus important et plus actif parmi les étudiant.e.s, mais évidemment aussi parmi d’autres catégories de la population.

Avant qu’un appel au blocage d’un meeting n’ait la moindre chance de réussir, il faut s’atteler à la construction d’un tel type de rapport de force. Dans les années 1990, il était hors de question pour l’extrême droite d’organiser de telles réunions dans une université. Un puissant mouvement antifasciste s’était développé à la suite du « dimanche noir », la première grande percée électorale du Vlaams Blok en 1991. A l’époque, la simple demande de reconnaissance d’un cercle d’extrême droite par une université entraînait immédiatement d’énormes mobilisations, sans parler des multiples réunions et assemblée antifascistes.

C’est ainsi que l’on construit l’efficacité d’une action de blocage : par une démonstration de force. Avec des slogans combatifs – ce n’était certainement pas une « marche silencieuse » comme l’a écrit la Gazet van Antwerpen – nous nous sommes assurés que notre message antifasciste était audible dans tout le quartier étudiant.

La participation à la manifestation a été plus importante qu’initialement prévu. La sensibilité générale des jeunes à l’égard de questions telles que l’oppression joue sans aucun doute un rôle à cet égard. Nous avons déjà vu s’exprimer la colère autour du sexisme et de la LGBTQIA+phobie avec des manifestations plus importantes le 8 mars ou encore avec les actions et manifestation « Pride is a Protest » organisées par la Campagne ROSA en Flandre. La mobilisation lancée par la Campagne ROSA contre le KVHV de Gand suite à leur réunion avec le sexiste notoire Jeff Hoeyberghs avait largement été commentée en 2019.

Nous pouvons nous appuyer sur ces éléments à l’approche du 1er décembre pour le meeting que où Dewinter compte prendre la parole à Gand à l’invitation du KVHV, le club dont est par ailleurs issu Dries Van Langenhove (Scield&Vrienden) et qui, comme on l’a vu, a déjà tenté de rendre le sexisme acceptable à l’université. Une action antifasciste est prévue et des semaines de campagne parmi les étudiant.e.s et le personnel seront organisées pour faire comprendre sans la moindre équivoque que la haine raciste n’est pas la bienvenue à l’université.

La manifestation à Anvers s’est déplacée du Stadswaag au Graanmarkt (place du marché aux grains), en dehors du quartier étudiant. Une deuxième action y était organisée par Comac (organisation de jeunesse du PTB) et soutenue par un certain nombre d’organisations de la société civile, dont la FGTB et la CSC, qui y ont pris la parole. C’est une excellente chose que les syndicats aient pris une position antifasciste claire. Uwe Rochus, de la CGSP, a fait explicitement référence à la tradition du Front Antifasciste en Flandre et de Steunpunt Antifascisme. Le camarade Fons Van Cleempoel, récemment décédé, était donc quelque part également présent à cette action.

Un peu moins d’une centaine de participant.e.s étaient réuni.e.s à l’action au Graanmarkt, nombre qui a plus que doublé lorsque la manifestation est arrivée. Nous avions insisté pour que le cortège finisse son parcours à cet endroit afin de participer à cette action. Malheureusement, l’accord verbal pour un micro ouvert sur cette place n’a pas été respecté. Faute de temps, nous a-t-on dit. Le hasard a fait que cela ne laissait pas de place à un membre de notre organisation. L’action sur cette place a pourtant commencé à 20 heures pour finir à 20 h 40. Nous estimons qu’une approche inclusive et ouverte renforce la mobilisation antifasciste. Un micro ouvert permet aux personnes présentes de s’approprier l’action et de renforcer l’engagement dans le combat antifasciste à plus long terme. C’est ainsi que l’on forge une unité durable tout en laissant place au débat nécessaire sur les diverses approches politiques du combat antifasciste.

Les Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA), la Campagne ROSA et Blokbuster (la campagne antifasciste du PSL) désiraient laisser la parole au délégué CGSP Andrej. Faute d’avoir pu l’entendre, nous publions ci-dessous (en-dessous de la vidéo) ce qu’il avait l’intention de dire.

« Le message est clair : pas de fascistes dans notre ville ou dans notre université. Notre présence ici est extrêmement importante.

« Dans notre combat contre l’extrême droite ainsi que sa haine et sa violence, nous devons aussi discuter des causes qui permettent leur existence et défendre une alternative. De nombreu.ses.x travailleur.euse.s et jeunes considèrent le Vlaams Belang avant tout comme un vote de protestation. Nos conditions de vie se détériorent. La pression sur le monde du travail et la jeunesse est énorme. Le capitalisme valse d’une crise à l’autre, laissant à chaque fois un bain de sang social dans son sillage. Les politiciens des partis traditionnels ne parviennent plus à faire vendre leurs sornettes, les gens voient clair et en ont assez. C’est alors qu’émerge l’extrême-droite, comme de la moisissure sur un système pourri.

« Dewinter n’est pas un inconnu. Il a déjà une longue carrière de haine derrière lui. Tout le monde connait les images de Dewinter en tenue de combat lors des manifestations de la milice d’extrême droite Voorpost dans les années 1980. Dewinter ne fait pas non plus mystère de ses relations avec d’autres organisations d’extrême droite. En 2008, il a rencontré le chef du KKK. Il figure parmi les proches de Geert Wilders (Pays-Bas) et des Le Pen. Il a rendu une visite amicale au criminel de guerre syrien Assad. Durant la guerre de Yougoslavie, il a rendu visite aux troupes paramilitaires et ouvertement fascistes croates. La liste est sans fin.

« En 2008, nous avons bloqué un bâtiment universitaire de l’UGent avec 500 militants de gauche et syndicalistes. Le NSV avait invité Dewinter à s’exprimer. Je n’oublierai jamais comment Dewinter et ses troupes de choc du NSV nous ont attaqués. A côté de moi, un activiste a été attrapé à la gorge par Dewinter. Voilà sa vraie nature.

« Nous devons entrer en résistance et ne pas céder un pouce à l’extrême droite. Ce ne sont pas les réfugiés qui s’en prennent à nos salaires, ce ne sont pas les musulmans qui font des profits monstrueux sur notre exploitation, ce n’est pas la communauté LGTBQ+ qui saccage notre culture et ce ne sont pas les Wallons qui privatisent nos services publics. C’est facile de pointer du doigt les groupes les plus faibles de la société. Il ne faut pas être lâche, il faut pointer du doigt les vrais coupables : les actionnaires, les capitalistes et leurs politiciens.

« Pendant que la majorité de la population se bat pour garder la tête hors de l’eau, ils réalisent des bénéfices records. Engie a réalisé 5,3 milliards d’euros de bénéfices en six mois. Les entreprises belges ont canalisé 266 milliards d’euros vers les paradis fiscaux en 2021.

« A quand des investissements dans des logements sociaux décents ? Quand les propriétaires et les géants de l’immobilier seront-ils traités comme ils le méritent ? Il n’y a pas de problème de « grand remplacement » – d’ailleurs les nazis utilisaient la même rhétorique pour se débarrasser des Juifs, des Roms, des homosexuels et des dissidents – il y a un problème de pénurie de logements sociaux et de contrôle démocratique sur la conception et la planification publique des zones urbaines. Cette société n’est pas construite pour répondre aux besoins de la majorité de la population, mais pour satisfaire la soif de profits des géants de l’immobilier qui se réunissent avec Bart De Wever (bourgmestre d’Anvers) et ses amis dans des restaurants de luxe.

« Notre opposition à l’extrême droite doit être un combat anticapitaliste, un combat en faveur d’une politique sociale qui garantit un logement décent et abordable à chacun.e. Un combat en faveur de la propriété collective et du contrôle et de la gestion du personnel des secteurs clés de la société tels que l’énergie. Un combat en faveur d’investissement publics dans la culture et l’enseignement. Un combat en faveur d’une société capable de décider collectivement et démocratiquement de son aménagement du territoire. Un combat en faveur d’un monde chaleureux et débordant de solidarité entre les travailleur.euse.s de tous les peuples. »

 


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.