Mai de Campagne ROSA : « Organiser la colère contre le sexisme et la transformer en action »

Lors de l’excellent camp d'été de la Campagne ROSA et du PSL début juillet, Mai a expliqué, lors d’un des meetings, la manière dont les jeunes luttent contre le sexisme. En voici un résumé.

Extrait du discours de Mai de la Campagne ROSA

« Depuis cinq ans se déroule un débat permanent autour du harcèlement et de la violence sexistes. Le sexisme est présent partout au point de s’infiltrer dans nos relations et les aspects les plus privés de nos vies.

Cela peut donner l’impression que c’est un sujet apolitique. Mais la réalité nous prouve le contraire. Chaque exemple de violence sexiste souligne à quel point cette société est totalement incapable de changer cette réalité pour les femmes.

Récemment, une fille a été attaquée et filmée par ses agresseurs, mais le juge a décidé qu’il n’y avait pas de véritable viol. Une autre jeune fille de 14 ans victime d’un viol collectif a cherché de l’aide, mais s’est retrouvée sur une liste d’attente : elle s’est suicidée. C’est horrible : les politiques d’austérité rendent inaccessible même l’aide la plus élémentaire.

Dans le débat public, l’accent est souvent mis sur les raisons pour lesquelles les garçons agissent ainsi. L’idée selon laquelle il faut « éduquer ton fils » est devenue virale sur les réseaux sociaux. Alors évidemment, les parents ont un rôle à jouer vis-à-vis de leurs enfants. Mais comment faire cela en toute efficacité dans une société intrinsèquement sexiste ?

Le sexisme ne tombe pas du ciel

« Les idées et les comportements sexistes ne sortent pas de nulle part. Ils sont transmis par la société. Ce n’est pas une excuse, très certainement pas, mais au contraire un élément clé pour comprendre les raisons de la taille du problème.

La pornification du corps féminin et des relations intimes à travers la publicité, le porno et les médias a, par exemple, un effet extrêmement négatif sur l’image que les jeunes ont d’eux-mêmes et des autres. Cela conduit à une normalisation de la violence. L’industrie publicitaire fait même du comportement sexiste une sorte de symbole de prestige.

Avec les réseaux sociaux, cette image du corps et des relations est omniprésente dans la vie des jeunes, ce qui augmente la pression pour s’y identifier.

La santé mentale des jeunes est dans une situation désastreuse. Et ça s’est encore aggravé pendant la pandémie. Il y a, par exemple, eu une augmentation spectaculaire du nombre de demandes d’aide professionnelle pour des troubles alimentaires. Ce n’est pas un phénomène marginal.

Le fait que des jeunes s’affament ou entretiennent une relation destructrice avec la nourriture pour tenter de retrouver leur estime d’eux-même est, dans bien des cas, le signe que ceux-ci succombent à la pression de la performance à tout prix de la société capitaliste.

En plus, les injonctions sont contradictoires : on doit être hyper sexy, mais les tenues sont vite jugées offensantes. Les jeunes en ont marre qu’on leur dise quoi porter en fonction de leur genre.

Les rôles genrés ne tombent pas du ciel. La femme est présentée comme vulnérable et celle qui prend soin des autres ; c’est l’expression du futur rôle économique réservé sous le capitalisme. Le code vestimentaire est une question sensible : quiconque a déjà été interpellé sur base de sa tenue sait à quel point cela est intimidant.

Les actions où garçons et filles se montrent solidaires et échangent, par exemple, leurs vêtements, les garçons arrivant en jupe à l’école, sont positives. Il s’agit de garder le contrôle de nos propres corps, rien de moins ! Cela vaut d’ailleurs également pour le voile.

Souvent, les écoles réagissent de manière conservatrice et répressive. Elles reflètent généralement la société, leur rôle étant de nous préparer à ce qui nous attend au travail. On y apprend à rester assis huit heures et à accepter toutes les règles.

Nous sommes conditionnés pour fonctionner dans le cadre des relations de pouvoir du capitalisme. Beaucoup d’entre nous se retrouveront dans des emplois précaires, ce qui nous rendra vulnérables aux abus. L’indépendance financière est cruciale pour sortir d’une relation abusive, mais le capitalisme est incapable d’offrir cette indépendance à tout le monde.

De nombreux cas #MeToo ont notamment souligné à quel point la précarité de jeunes artistes au début de leur carrière a servi de « prestigieux » abuseurs. Ce qui est déterminant ici, ce sont les relations de pouvoir.

Il n’en a pas été différemment avec la sordide affaire du cercle étudiant élitiste de Louvain, Reuzegom. Lors d’un de leurs baptêmes étudiant, le seul étudiant à la peau foncée est décédé suite à de sévères tortures.

Le cercle était déjà bien connu pour son sadisme, ses abus physiques et mentaux, son racisme et son sexisme brutal. Il s’agit d’un vivier de futurs PDG, juges, avocats,… ce qui en dit long sur le type de société dans laquelle nous vivons !

La lutte est absolument nécessaire. Sans les actions de la Campagne ROSA, le KVHV (cerclé étudiant catholique d’extrême droite) aurait pu s’en tirer avec son meeting qui avait offert la tribune au misogyne notoire Jeff Hoeyberghs. Le cercle a été suspendu deux mois.

C’est une sanction limitée, mais cela les a poussés dans la défensive. L’extrême droite promeut un sexisme brutal dont l’objectif est de repousser les limites de ce qui est acceptable en termes de discrimination.

Ce phénomène est ressenti dans toute la société, y compris dans les écoles. À Bruges, une militante de la Campagne ROSA nous a raconté comment un drapeau arc-en-ciel a été brûlé dans l’école par des élèves d’extrême droite.

Agir sur le terrain

« Heureusement, de nombreux jeunes veulent riposter. Les actions de la Campagne ROSA l’illustrent, mais aussi, les actions “jupe” dans diverses écoles, même si ces dernières restent symboliques et dépendent de l’initiative individuelle de quelques élèves.

La Campagne ROSA entend organiser la colère et la transformer en un plan d’action pour construire un rapport de force capable d’arracher le changement.

La journée internationale contre la violence envers les femmes du 25 novembre est un moment important. Cela peut être l’occasion d’organiser des sittings dans les écoles. Plus jeunes, nous avions organisé dans mon école une action avec la Campagne ROSA pour que le sexisme y soit discuté.

L’école avait son comité ROSA local, ouvert à toutes et tous. Nous avons préparé un sitting en faisant circuler une pétition contenant trois revendications: porter ce que l’on veut sans être harcelée ; disposer de protections hygiéniques gratuites dans les toilettes et bénéficier de véritables cours d’éducation sexuelle.

Cela entre directement en confrontation avec le manque de moyens dans l’enseignement, avec d’élèves par classe et peu d’encadrement individuel. La Campagne ROSA veut convertir la colère concrète des jeunes dans leur environnement immédiat en une lutte à l’échelle de la société pour plus de moyens, notamment pour l’enseignement.

Il existe de nombreux autres types d’action possibles le 25 novembre : des actions symboliques, des sittings, des grèves scolaires, etc.

Le succès dépendra du nombre de jeunes impliqués et de leur volonté de poursuivre vers la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes (8 mars) et les prochaines actions « Pride is a Protest » fin juin, le jour de l’anniversaire des émeutes de Stonewall. La Campagne ROSA veut créer quelques modèles combattifs dans un quelques écoles pour inspirer les jeunes d’ailleurs. »


→ La Campagne ROSA défend un féminisme socialiste. Nous voulons, ensemble, nous attaquer à la racine du problème : le capitalisme. Une infime élite d’ultra-riches nous exploite et a besoin de nous diviser pour continuer de le faire. Luttons pour donner naissance à une société reposant sur l’épanouissement de chacun.e.

→ Tu es d’accord avec ce que nous défendons, en parole ou en acte, alors deviens membre de la Campagne ROSA et /ou soutiens-nous financièrement pour nous permettre de poursuivre nos activités (ROSA: BE54 5230 8095 8497).


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.