Dissimulation et sexisme dans les universités : notre combat continue !

Comme cela a été le cas à la KULeuven, lorsque des plaintes ou des signalement concernant des comportements transgressifs sont déposés, les universités et autres institutions se préoccupent principalement de leur propre réputation plutôt que du bien-être de la victime et des autres.

Depuis la rentrée académique, de nombreux éléments sont encore venus confirmer que les comportements transgressifs dans les universités et les hautes écoles n’appartiennent pas du tout au passé. Suite à la vague de témoignages de comportements transgressifs dans les universités et aux différentes actions féministes, la pression c’est accrue sur les conseils d’administration des universités pour qu’ils réagissent plus rapidement, comme l’a fait la VUB face au sexisme du cercle étudiant de Solvay. Toutefois, la Campagne ROSA souligne que le problème central reste l’important manque de moyens alloué à l’enseignement. La lutte contre le sexisme et les abus de pouvoir, et pour un investissement public massif dans l’enseignement est plus que jamais nécessaire.

L’abus de pouvoir continue de marquer l’enseignement supérieur

Le reportage de PANO de mars dernier, a illustré à quel point les victimes ont été abandonnées pendant des années et comment les universités et haute-écoles ont dissimulé de graves problèmes de sexisme pour éviter de nuire à leur prestige et leur l’image. En octobre, l’UCL a été condamné pour sa gestion calamiteuse d’une situation de harcèlement envers une membre du personnel. Au lieu de faire preuve de soutien à l’égard de la victime, l’université a engagé cet été une procédure disciplinaire à son encontre pour calomnie. Comme cela s’est avéré être le cas à la KULeuven, lorsque des plaintes ou des signalement concernant des comportements transgressifs sont déposés, les universités et autres institutions se préoccupent principalement de leur propre réputation plutôt que du bien-être de la victime et des autres.

Un professeur qui enseignait à la KULeuven jusqu’à récemment a été condamné à 54 mois de prison pour avoir violé une étudiante lors d’un séminaire à Barcelone en 2016. L’université a rapidement été informée de ces faits, mais le professeur est tout de même resté à son poste d’enseignant pendant deux années supplémentaires. Pire, des comportements inappropriés lors de séminaires ont été régulièrement signalés par ses collègues et ses étudiant.e.s depuis les années 1990. En 2010, des remarques non désirées sur les tenues vestimentaires d’étudiantes mais aussi des attouchements ont été signalés.

Le professeur a activement utilisé sa position hiérarchique pour s’introduire dans leur environnement intime. Il a organisé des réunions de travail dans des chambres étudiantes et des voyages à l’étranger au cours desquels il s’est rapproché de dizaines d’entre-elles de manière non-désirée. Il a, par exemple, forcé une étudiante à le laisser se rendre dans sa chambre pour installer un logiciel sur son ordinateur portable au lieu de le faire dans son bureau, comme l’avait suggéré l’étudiante.

Brisons le silence

Maïka De Keyzer, professeur d’histoire à la KULeuven et déléguée syndicale FGTB, a écrit une carte blanche dans De Morgen intitulé « Presque tout le monde est au courant des comportements transgressifs dans nos universités. Brisons le silence. » Elle y indique que, malgré les nombreuses lignes d’assistance téléphonique et personnes de confiances destinées aux étudiant.e.s et aux membres du personnel, malgré les réformes progressives des règlements disciplinaires et du code de conduite, les victimes n’osent le plus souvent pas témoigner, d’autant que la réaction des universités aux témoignages reste trop faible.

L’une des principales difficultés que les victimes de comportements sexuellement transgressifs continuent de rencontrer, c’est qu’elles ne sont pas prises au sérieux. Et ce n’est pas seulement vrai dans les universités. Plus de 90 % des victimes qui se présentent à la police disent avoir été mal reçues à un niveau ou l’autre. La justice et la police ne croient que trop peu les victimes et ce sont souvent ces dernières qui se retrouvent jugées. Le manque de soutien aux victimes est à l’origine de tragédies. N’oublions jamais la jeune fille de 14 ans qui s’est suicidée l’année dernière après avoir demandé de l’aide suite à un viol collectif et s’être retrouvée sur une liste d’attente.

Les victimes qui signalent un problème ou portent plainte doivent être protégées au lieu d’être ignorées et de laisser les auteurs de ces actes poursuivre leurs activités sans être inquiétés. Les pénuries dans l’enseignement supérieur font que les nombreux signalements et plaintes sont traités tardivement ou ne sont tout simplement pas traités du tout, malgré la bonne volonté du personnel de ces services. Sans les investissements nécessaires, il ne peut y avoir de lignes d’assistance réellement accessibles aux étudiant.e.s et aux membres du personnel (de recherche, académique, administratif, technique). Il est nécessaire de mettre en place des procédures plus transparentes sur la manière dont les plaintes sont traitées et des commissions disciplinaires où la direction, le personnel, les syndicats et les étudiant.e.s sont représentés de manière paritaire. C’est indispensable pour sortir de la logique « nous contre eux » dans le traitement des plaintes.

Pour un investissement public massif dans l’enseignement

Mettre fin à l’impunité est un premier pas vers la fin de la culture du silence dans les universités et les hautes écoles. Cependant, cela ne suffit pas à empêcher les abus et les comportements transgressifs. Il n’existe toujours pas de formation systématique du personnel de l’enseignement pour la prévention et le traitement des comportements transgressifs fondés sur le sexe.

Les étudiant.e.s, les doctorant.e.s et les chercheurs chercheuses sont toujours dépendant.e.s de professeurs, des promoteurs ou d’autres personnes qui occupent des responsabilités au sein de l’université. Ainsi, nous constatons que la position des étudiant.e.s et des chercheurs chercheuses est de plus en plus précaire. Il a rarement été aussi cher d’étudier et de vivre. De plus, le personnel de recherche a également un statut très précaire, ce qui les rend encore plus dépendants de leur directeur de thèse pour leur doctorat et le lancement de leur carrière universitaire. Des investissements massifs dans l’enseignement sont donc nécessaires pour offrir de meilleurs statuts, comme un statut de salarié pour les chercheurs chercheuses et les doctorant.e.s avec des services de soutien solides.

N-VA et les politiques d’austérité ont leur part de responsabilité

Zuhal Demir (N-VA), la ministre flamand de la justice, a bloqué une demande de subvention de 1,4 million d’euros pour l’université. Demir souhaite que le rectorat de la KULeuven s’explique d’abord davantage sur ce qu’il savait dans cette affaire de viol. Il est clair que même les partis les plus à droite ressentent une pression pour dénoncer les violences sexuelles ; mais contrairement à la N-VA, nous ne pensons pas qu’il soit bénéfique pour les victimes de comportements sexuellement transgressifs de menacer de réduire encore les budgets pour l’enseignement qui pourraient servir à la lutte contre le sexisme.

En effet, ce sont précisément les gouvernements dont fait, entre autres, partie la N-VA et les politiques d’austérité qui sont en partie responsables de la série interminable de victimes de la violence et des abus de pouvoir dans l’enseignement supérieur. La N-VA défend une politique d’enseignement encore plus élitiste, comme l’a encore prouvé Ben Weyts (ministre de l’enseignement flamand NVA) et ses coupes budgétaires. La réforme du décret Paysage dans l’enseignement francophone va dans le même sens. Les étudiant.e.s qui ne valident pas l’ensemble des crédits de la première année de bachelier en 2 ans ne sont plus finançables et doivent se réorienter voir arrêter leurs études.

Le féminisme socialiste et notre organisation

L’affaire de viol à la KULeuven montre pourquoi la lutte contre le sexisme et les abus de pouvoir est et reste nécessaire. #MeToo est plus utile que jamais, mais dans un environnement où les plaintes sont le plus souvent ignorées ou, au mieux, donnent lieu à quelques ragots, il n’est pas surprenant que de nombreuses victimes gardent le silence. En 2019, une étude a révélé qu’une étudiante en Belgique sur cinq a déjà été victime d’un viol ou d’une tentative de viol. Les manifestations féministes peuvent également donner le courage aux victimes de raconter leur histoire. Mais surtout, bien sûr, nous voulons lutter pour prévenir d’autres victimes d’abus de pouvoir et de comportements transgressifs.

La lutte contre le sexisme est donc aussi une lutte pour une éducation démocratique et gratuite. Les étudiant.e.s devraient pouvoir librement choisir leurs études sans être obligés de passer de longues heures dans un job étudiant. Nous devons nous organiser autour de revendications concrètes qui peuvent démocratiser l’enseignement. Les relations de pouvoir doivent être abordées de manière structurelles. La Campagne ROSA et les Étudiant.e.s de la Gauche en Action défendent la nécessité d’un salaire étudiant : étudier est un travail à temps plein et doit être traité comme tel ; être moins précaire permet d’être moins vulnérable aux violences. Nous défendons également une augmentation drastique du financement public de l’éducation.

>> RDV le 27 novembre à 13h gare de Bruxelles centrale pour manifester contre les violences faites aux femmes.


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.