Non à l’austérité de Maggie de Block «dans l’intérêt des femmes» !

Ces derniers mois, les attaques de Maggie de Block concernant les femmes enceintes et les jeunes mères se sont succédé : après son lancement de projets pilotes visant à diminuer le temps de séjour à l’hôpital suite à un accouchement à seulement 48h, elle veut à présent que les femmes enceintes soient écartées moins rapidement de leur fonction.

Dans l’avalanche d’austérité que nous connaissons, ces attaques n’ont rien d’étonnant. Pourtant, elles ont un point commun qui est particulièrement choquant : elles sont systématiquement présentées comme des avancées pour les femmes, comme des mesures modernes et féministes.

Laisser les femmes enceintes travailler « dans leur intérêt » ?

Ainsi, Maggie de Block justifie son souhait de faire travailler les femmes enceintes plus longtemps par le fait que la grossesse n’est pas une maladie : « Pendant tout ce temps, elles touchent l’assurance-maladie, et pas leurs revenus. D’un côté, cela coûte à la Sécu. De l’autre, elles gagnent moins et peuvent rater une promotion. Ce n’est pas positif pour elles », observe-t-elle1. Elle propose donc de laisser davantage le « choix » aux travailleuses de continuer à exercer leur fonction lorsque leur santé le permet.

Si la grossesse n’est pas une maladie, elle est tout de même un état physique particulier qui demande une attention et une protection particulière. L’écartement systématique permet aux femmes occupant des fonctions dangereuses pour leur grossesse de bénéficier d’une protection. Leur offrir le « choix » de rester au travail, c’est complètement ignorer le rapport de force entre une travailleuse et son employeur et la pression qu’elle peut subir, consciemment ou non, de rester à son poste.

Si Maggie de Block souhaitait réellement faciliter la vie des femmes enceintes et leur permettre de continuer à travailler tout en gardant un revenu décent, elle militerait comme nous pour une réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et sans augmentation des cadences (voir une diminution dans une série de secteur).

Une telle mesure permettrait à chaque femme enceinte de tenir le coup physiquement et financièrement, et serait également profitable pour les jeunes parents. Et pour lutter contre les discriminations dont sont victimes les femmes à l’embauche en raison du ‘risque’ de maternité, pourquoi ne pas allonger le congé de paternité à la hauteur du congé de maternité ? Voilà une mesure moderne, qui permettrait en outre aux jeunes papas de prendre pleinement leur rôle dans la famille et dans le partage des tâches du ménage.

Moins de moyens dans les maternités, c’est ça la « modernité » ?

Les coupes budgétaires successives dans les soins de santé, notamment en vue de la privatisation des hôpitaux, ont engendré une situation de pénurie avec un manque de personnel de plus en plus criant et un manque de moyens matériels (nombre de lits en suffisance, chambres adaptées, etc.).

Plusieurs services ont annoncé leur fermeture ces derniers mois, tels que la maternité de Nivelles et le service d’urgence de Tubize en 2016. Ce contexte de pénurie entraine une pression pour diminuer le temps de séjour des patients à l’hôpital, et en particulier pour les femmes qui viennent d’accoucher.

La durée du séjour à l’hôpital suite à un accouchement subit la pression de l’austérité budgétaire depuis plusieurs années. Sans la moinde concertation avec les professionnels du secteur, la ministre de la Santé a imposé une réduction du séjour à la maternité2. Depuis, Maggie de Block a lancé des projets pilotes dans plusieurs hôpitaux afin de limiter le temps de séjour après un accouchement à 2 jours.

Pour justifier cette tendance, on nous a expliqué que l’accouchement était un acte naturel, qu’il ne devait pas être médicalisé à outrance, et que dans certains pays comme aux Pays-Bas, la majorité des femmes accouchaient à la maison.

Il est vrai que de plus en plus de femmes dénoncent aujourd’hui la manière dont leur accouchement et leur séjour à l’hôpital s’est déroulé. Pendant l’accouchement, la femme est bien souvent infantilisée ou considérée comme un objet. Elle subit des actes médicaux qui ne lui sont pas toujours expliqués, parfois non consentis, et bien souvent vécus comme un véritable viol3. Et certaines de ces interventions ne sont pas nécessaires mais ont pour unique but de diminuer la durée de l’accouchement. Dans ce contexte, on voit apparaitre la tendance de ne plus vouloir accoucher à l’hôpital.

Mais diminuer le budget des soins hospitaliers répond-il vraiment à cette revendication ? Au contraire, pour pouvoir offrir à chaque femme un accouchement sans stress, avec du personnel en suffisance et qui a du temps devant lui, il est indispensable de refinancer les maternités mais aussi les soins avant et surtout après la naissances pour garantir un bon accompagnement des mères et des nouveaux nés à domicile.

De l’argent est nécessaire pour offrir des salles d’accouchement équipées de matériel moderne en suffisance, tels que des monitorings portatifs pour que les femmes bénéficient de leur liberté de mouvement ou encore des bassins pour pouvoir se détendre dans l’eau. Les services de maternité doivent être rénovés, avec des chambres permettant aux mères de dormir avec leur bébé, même si celui-ci doit recevoir des soins de néonatalité.

Et plutôt que de fermer les petits hôpitaux, il est nécessaire d’en construire davantage afin que chaque femme puisse arriver dans les temps à l’hôpital pour accoucher. C’est également nécessaire si l’on veut offrir aux femmes la possibilité d’accoucher en maison de naissance ou chez elles plutôt qu’à l’hôpital, car elles doivent pouvoir accéder rapidement à un hôpital en cas de problème.

Le coût d’un accouchement est en moyenne de 135 € (ticket modérateur) et de 960 € pour les suppléments (honoraires, etc.). Une jeune mère femme qui ferait « le choix » de rester un jour de plus à la maternité car elle a besoin d’un accompagnement plus long après son accouchement doit s’acquitter de la somme de 367€ supplémentaire par jour4. Pourtant, un accompagnement le 3ème jour semble important : c’est le jour où l’on peut détecter une prise de poids insuffisante du nouveau-né et ou la maman doit gérer une chute hormonale5.

De plus, le raccourcissement du séjour en maternité, s’il peut paraitre un détail pour certaines, il renforce les inégalités. En effet, ce sont les mères isolées et précaires qui sont le plus susceptibles d’avoir besoin d’un peu plus de temps en maternité avant de retourner à la maison où elles ne pourront peut-être pas suffisamment se reposer. Un retour précoce sans suivi adapté aggrave le risque de réhospitalisation.

Lutter contre l’austérité pour protéger les femmes enceintes et les jeunes mères

La fausse volonté de Maggie de Block de donner plus de liberté et de choix aux femmes, que ce soit le « choix » de rester au travail lorsqu’on est enceinte ou celui de rentrer plus vite chez soi après avoir accouché, est uniquement un faire-valoir pour des attaques austéritaires contre la protection de la maternité. Il est clair que ces mesures auront un impact négatif sur la santé des femmes et de leurs bébés.

Au contraire, c’est en refinançant massivement les hôpitaux, les maternités et l’ensemble du secteur des soins et en diminuant collectivement le temps de travail que l’on pourra offrir aux femmes de meilleures conditions de vie et plus de liberté individuelle.

Notes

1 RTBF, Maggie De Block: « Les femmes enceintes doivent pouvoir travailler plus longtemps », 25.11.2017. https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_maggie-de-block-les-femmes-enceintes-doivent-pouvoir-travailler-plus-longtemps?id=9772429

2 Le Ligueur, « Pas d’économies sur la maternité », 31.03.2015. https://www.laligue.be/leligueur/articles/pas-d-economies-sur-la-maternite

3 Le Soir + (Elodie Blogie), L’accouchement est parfois vécu comme un viol, 01.02.2018
http://plus.lesoir.be/137516/article/2018-02-01/laccouchement-est-parfois-vecu-comme-un-viol

4 Le Ligueur, « Pas d’économies sur la maternité », 31.03.2015. https://www.laligue.be/leligueur/articles/pas-d-economies-sur-la-maternite

5 Axelle, « Réduction du séjour en maternité : un bilan alarmant », jan.-fév. 2017, http://www.axellemag.be/sejour-maternite-bilan/


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