Culture du viol : ‘‘Les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent…’’ Bien au contraire!

Cet été vibrera à nouveau au rythme de nombreux festivals. La question de la lutte contre le sexisme sera tout aussi présente.

Des paroles de chansons qui banalisent le sexisme, voire même qui tentent de romantiser les agressions ; des hôtesses mal payées qui ont pour tâche ‘‘d’embellir’’ un stand, tout comme une œuvre d’art le ferait, sauf que les jobistes ne sont pas des objets ; des mains baladeuses qui devraient être ‘‘acceptables’’ dans un contexte festif, déjanté et alcoolisé, parce que ‘‘ce n’est pas méchant, et puis habillée comme ça…’’ ; des agressions sexuelles qui seraient quant à elles juste le résultat ‘‘des filles qui ne savent pas ce qu’elles veulent’’. La culture du viol prend de multiples formes.

“La victime aurait sa part de responsabilité”

Lorsqu’une femme est victime de viol, nombreux sont ceux qui passent au crible ce qu’elle portait. Selon une étude française, 4 sondés sur 5 considèrent que la victime a une part de responsabilité si elle a eu une attitude ‘‘provoquante’’.

Trop couverte, elle n’est pas une femme ‘‘moderne’’. Moins vêtue, elle cherche les problèmes… Si elle marche seule ou se fait raccompagner par la mauvaise personne, elle a manqué de prudence. Même s’il n’y a pas de transport public le soir et encore moins sécurisants. Sous influence d’alcool ou de drogue, elle a donné des signaux flous…

‘‘L’agresseur, il faut le comprendre…’’

Le sexe est souvent présenté comme un besoin vital au même titre que la respiration, ce qui impliquerait un droit absolu à celui-ci. Ce raisonnement peut mener à légitimer le viol, et davantage encore dans le cadre conjugal.

Ainsi, en Belgique, la fédération des centres des plannings familiaux dénonce le fait que près d’un viol sur deux a lieu au sein d’un couple et qu’une femme sur quatre subit, à un moment ou à un autre, des violences sexuelles de la part de son partenaire.

Or, si nous avons en effet besoin de contacts humains, comme l’étayent de nombreuses études, une agression sexuelle ne répond pas avant tout à une pulsion. C’est un rapport de force, une domination totale sur l’autre.

Comme l’explique l’ouvrage ‘‘le viol un crime presque ordinaire’’, ‘‘les viols en temps de guerre sont clairement identifiés comme des outils de domination et d’humiliation.

Pourquoi, en temps de paix, seraient-ils réduits à un problème de pulsion sexuelle ? Les contextes sont différents, mais la dynamique de prise de pouvoir et la volonté de domination semblent être en jeu dans chaque agression.”1

La culture, miroir de notre société qui participe à la déformer

La culture dominante présente le corps des femmes comme un objet pour vendre tout et n’importe quoi. Des dessins animés où il faut sauver une princesse passive en détresse aux blockbusters et séries où l’héroïne ne sait pas ce qu’elle veut jusqu’à ce que le héros lui ‘‘apprenne la vie’’, en passant par des chansons dont les paroles sèment la confusion sur le consentement ; les expression de cette culture sont légions.

À peu près partout, on nous présente la femme (idéale?) comme une personne menue, fragile, avec une certaine dose de naïveté, qu’il faut sauver et qui trouve romantique qu’un homme dont elle a décliné les avances lui envoie encore et toujours des messages, des fleurs, lui téléphone malgré ses ‘‘non’’ répétés et l’attende devant chez elle. Dans la vraie vie, cela porte un nom : du harcèlement. Et cela n’a rien de flatteur ou de romantique, c’est juste flippant !

L’homme est, lui, valorisé pour sa force, il doit être musclé, sûr de lui et avec un côté bad boy (sinon c’est l’ami fidèle, l’éternel célibataire). La culture est imprégnée de cette idéologie selon laquelle l’homme doit exprimer sa ‘‘masculinité’’ au travers d’un rapport de force, avec des relations hommes-femmes nécessairement asymétriques, renforçant le sexisme et l’homophobie.

La culture du viol impacte le climat sociétal en se nourrissant des inégalités et en les renforçant en même temps. La culture est avant tout le reflet des rapports sociaux au sein de la société.

Les inégalités n’ont jamais été aussi profondes : 1% de population détient plus de richesses que les 99% restant. Et, au sein des 99%, on essaye de nous diviser. Si les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes et sont systématiquement surreprésentées parmi tous les groupes précaires dans la société, ce n’est pas parce que les hommes gagnent trop. C’est la conséquence de l’accaparement, par une minorité, d’une majorité des richesses.

La précarité augmente les risques d’agression : la probabilité est deux fois plus élevée pour une femme pauvre de se faire violer, trois fois plus pour une personne handicapée.

Et la position de second plan des femmes dans la société a un impact immédiat sur la manière dont elles sont représentées dans la culture. Cette représentation négative – femme objet / faible / indécise / … – aggrave encore largement la perception négative que les femmes ont d’elles-mêmes, que les hommes ont d’elles, mais aussi l’appréciation des agressions sexuelles par les institutions.

La loi : nécessaire mais insuffisante

En matière de condamnation des agressions à l’encontre des femmes, la loi belge est relativement complète. Depuis 2014, le harcèlement de rue est condamnable.

Le viol est un crime, en ce compris au sein d’un couple depuis 1989 (seulement!). Et, contrairement à de nombreux pays, le consentement doit être explicite et non l’inverse.

Pourtant, cet été encore, sur les festivals – comme tout au long de l’année dans tous les contextes – les femmes seront victimes de harcèlements et agressions sexuelles : 1 festivalière sur 6 en a été victime au cours des 3 dernières années.

Le manque de moyen dans les services publics rend les choses encore plus difficiles pour la victime. C’était le cas pour cette jeune verviétoise que l’hôpital a refusé d’examiner à l’aide du SAS (set d’agression sexuelle) faute de personnel en suffisance.

Elle a dû se rendre à 20 km de là. Il est vrai qu’à Liège, tout comme à Gand et à Bruxelles, des projets-pilotes de centres interdisciplinaires d’accueil pour les victimes ont été mis en place. Novateurs et appréciés, de tels projets ne doivent pas dédouaner le ministère de la Santé d’assurer partout un accueil optimal.

81% des victimes considèrent que la justice n’a pas joué son rôle face à une agression. Par manque de moyens et de recul, les tribunaux tombent dans le piège de la culture du viol.

Régulièrement, c’est la victime qui est jugée, sa tenue est considérée comme une preuve de son consentement, il y a suspension du prononcé avec l’argument de ne pas entacher l’avenir d’un violeur, etc.

L’ampleur du phénomène indique clairement qu’il ne s’agit pas d’une multitude de cas isolés, mais d’un profond problème de société véhiculé par la culture du viol et se nourrissant des inégalités.

Face à ce constat, les luttes ont explosé ces dernières années. Ces mouvements changent profondément la façon dont des couches plus larges de la population considèrent le sexisme. Les agressions sexistes ne représentent pas une somme de faits divers malheureux, mais un phénomène de société qu’il faut dénoncer et combattre.

De plus en plus de gens s’en rendent compte. Des campagnes de sensibilisation se développent, mais cela ne suffit pas. Un investissement massif dans de telles campagnes peut avoir un impact. Mais ce qu’il faut, c’est une lutte collective dans laquelle nous lions la résistance au sexisme à son origine sociale : l’inégalité inhérente au capitalisme, dont la position de second plan des femmes.

En plus d’un combat déterminé spécifique pour remettre en cause le sexisme, l’objectification, la violence et les agressions sexuelles, il est vital que le mouvement plus large contre l’austérité mette aussi ces questions en avant et les relie afin d’assurer que les femmes puissent être au centre du combat, et aussi jouer un rôle dans l’éducation des hommes, qui n’ont eux-mêmes pas d’intérêt à ce que la situation actuelle perdure.

La lutte pour en finir avec ce monde de violence, d’oppression, de pauvreté et d’austérité doit mettre le socialisme à l’ordre du jour, c’est à dire la propriété publique et démocratique des principales richesses et ressources et la planification démocratique de l’économie en fonction des besoins de la population.

Cette société basée sur la solidarité humaine et l’égalité pourrait poser les bases pour remettre en cause l’oppression des femmes que le viol incarne et y mettre fin.

1 https://www.bastamag.net/Le-viol-une-histoire-de-domination


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.