De près ou de loin, au cours de sa vie, chaque femme est confrontée à différentes formes de violences, parce qu’elle est une femme ou une fille. Le discours dominant (médias, justice, etc.) a longtemps présenté ces violences comme des cas isolés ou des « faits divers », quand elles n’étaient pas tout simplement ignorées. Manifestations et mouvements, dans la vie réelle ou en ligne, ont su imposer ces violences comme le reflet d’un système reposant notamment sur les inégalités de genre. Mais à l’image de la crise climatique, les violences de genre sont sous-estimées et reléguées au second plan des priorités politiques. Et certains osent encore dire qu’on est allé.es trop loin !
Par Laura (Bruxelles)
Les choses ne se passent plus tout simplement comme par le passé. En septembre, le célèbre acteur de la série That’70s Show Danny Masterson a été condamné à 30 ans de prison pour viols. Mais ses anciens collègues Mila Kunis et Ashton Kutcher ont toutefois choisi de venir publiquement à son secours, car ils le considèrent comme une « bonne personne ».
Être sympa avec ses potes, ça permettrait d’excuser plusieurs crimes ? C’est typique de cette culture du viol toujours bien vive où les violences sexuelles trouvent des justifications, des excuses, sont simplement banalisées, voire acceptées. On ne dit pas aux gens de ne pas violer, mais plutôt de ne pas se faire violer.
Les données concernant les féminicides font froid dans le dos. En Belgique, on estime qu’une femme meurt tous les sept à dix jours environ sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon. Plusieurs collectifs se sont battus pour que la Belgique respecte la Convention d’Istanbul censée engager les États signataires à s’entendre pour l’élimination de toutes les formes de violences envers les femmes.
10 ans après l’avoir ratifiée, la Belgique a introduit le dénombrement officiel des féminicides, jusque-là répertoriés par le monde associatif. C’est le cœur de la loi contre les féminicides adoptée le 29 juin dernier. Reste à savoir comment en finir avec ces meurtres.
La maison, le «lieu de tous les dangers» pour les femmes, selon l’ONU
L’extrême majorité des violences ne sont pas l’œuvre d’un inconnu, mais se déroulent derrière les portes closes des foyers. Régulièrement, l’entourage ne soupçonne rien. Plus souvent encore, le bourreau a pris garde d’isoler sa ou ses victimes.
L’an dernier, un rapport sur les féminicides dans le monde a été publié par ONU Femmes et l’Office des Nations Unies contre les drogues et le crime (ONUDC) à l’approche du 25 novembre. Il soulignait qu’en 2021, plus de cinq femmes avaient été tuées chaque heure à travers le monde par un membre de sa propre famille ou par son (ex-)partenaire.
On parle donc de plus de 120 féminicides par jour dans le cadre intrafamilial, soit 56% du nombre global des féminicides.
Sans indépendance financière, comment échapper aux griffes de son tortionnaire ? Une augmentation du salaire minimum à 17€/h et des allocations sociales qui dépassent le seuil de pauvreté, ce sont des revendications féministes !
Tout comme la construction de logements sociaux et l’ouverture de places d’accueil, y compris pour les enfants, afin d’affronter toute l’ampleur du problème. Les services sociaux doivent également recevoir un financement adéquat et suffisamment de personnel.
Tout le monde, autorités et acteur.trice.s de terrain, reconnaissent que de très nombreux enfants nécessitant une protection ne bénéficient d’aucune aide, faute de moyen. Les délégués des Services d’Aide à la jeunesse doivent régulièrement gérer 100 dossiers d’enfants, soit 3 fois plus que ce qui est prévu.
Aucun soutien sérieux n’est possible sous ces conditions et les enfants se retrouvent parfois baladés d’une institution à l’autre, selon les places qui se libèrent. Cette violence institutionnelle est criminelle !
L’espace public rétréci par le sexisme
Le harcèlement de rue frappe encore aujourd’hui toutes les femmes. L’insécurité est aussi présente au sein même de la vie estudiantine.
Les viols commis à Bruxelles sur le campus du CERIA (Centre d’Enseignement et de Recherches des Industries Alimentaires et chimiques) en octobre 2022 ou celui, plus récent, commis sur le campus de l’ULB en janvier 2023 ont fait l’objet d’une plus grande attention médiatique. Mais ces cas ne représentent qu’un léger aperçu de l’ampleur de la dramatique situation.
Il existe en Belgique 10 Centres de prise en charge des violences sexuelles (CVPS), à Bruxelles, Gand et Liège (ouverts en 2017) ; Anvers et Charleroi (2021) ; Roulers et Louvain (2022) ; Namur et Genk (2023). Un autre doit encore voir le jour à Arlon.
Ils sont passés d’une centaine de victimes accueillies à l’année à plusieurs milliers. En 2022, ils ont enregistré 3.287 admissions contre 1.662 en 2021, soit un bond de 98 % d’augmentation !
À titre d’exemple, l’Assemblée générale des étudiants de Louvain en Woluwé (AGW) a instauré un numéro vert en partenariat avec des taxis pour permettre aux étudiant.e.s de se rendre au CPVS de Bruxelles. C’est une bonne initiative, mais qui souligne le seul constat qui s’impose: il n’y a pas assez de CVPS. Il faudrait commencer pas en installer un par campus.
Ne laissons pas au porno « l’éducation sexuelle » des jeunes
L’accès à du contenu à caractère sexuel est très précoce. Les jeunes regardent leur premier film porno à 11 ans en moyenne, un quart avant 8 ans. Au-delà de la discussion sur les pratiques violentes et dégradantes accessibles, un enfant n’est pas capable de prendre distance face à la fiction présentée et d’avoir un regard critique.
Un adolescent sur cinq pense aujourd’hui que les femmes aiment être forcées pendant l’acte sexuel !
Les écoles peuvent offrir un contrepoids, pour autant qu’on leur en donne les moyens, à elles et aux plannings familiaux. Il y a désormais 2 séances d’EVRAS (Éducation à la vie affective et sexuelle) sur l’ensemble de la scolarité obligatoire en Fédération Wallonie Bruxelles. C’est bien peu au vu de l’urgence de la situation.
Le consentement doit être abordé de manière globale, et pas uniquement dans le cadre d’un acte sexuel, au côté des notions de genre, de l’orientation sexuelle, mais aussi d’inceste, de harcèlement… Selon un sondage lancé par Çavaria (organisme pour la défense des droits des personnes LGBTI+ en Flandre), il apparaît que 60,4 % des élèves LGBTQIA+ ne se sentent pas en sécurité à l’école en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre.
Deux élèves sur trois évitent certains endroits de l’école pour des raisons de sécurité, comme la cour de récréation. Toustes ont déjà été victimes de commentaires LGBTQIA+phobe. La moitié a même déjà reçu de tels commentaires de la part d’enseignant.e.s !
Si l’on veut un enseignement basé sur l’épanouissement des individu.e.s, et pas sur la reproduction des inégalités sociales, cela exige plus de moyens, beaucoup plus de moyens, de même que l’implication centrale du personnel éducatif et enseignant dans l’élaboration du projet éducatif.
C’est un combat à prendre à bras le corps, comme l’ont illustré les incendies d’écoles et actes de vandalisme anti-Evras. Dans l’enseignement flamand, le cours d’éducation à la vie sexuelle n’est plus présent en tant que tel, on parle plutôt d’éducation à « la santé » au sens large.
Les jeunes en recherche d’infos se retournent vers Tik Tok à défaut d’info à l’école. Outre la promotion de pratique sans consentement, de nombreuses vidéos propagent de fausses infos en matière de contraception et d’IST (infection sexuellement transmissible). 12% des jeunes ont des rapports sexuels sans aucune contraception et les IST sont en recrudescence.
Internet, porte ouverte et accessible pour la propagande sexiste et d’extrême droite
Internet est devenu le principal canal d’informations, les réseaux sociaux sont même pratiquement l’unique source d’info pour de nombreux jeunes. Les contenus violents et misogynes pullulent.
En 2022, la N-VA et le Vlaams Belang ont été les partis à avoir le plus dépensé sur les réseaux sociaux: 58% du montant total pour l’ensemble des partis du pays. L’expert en communication Reinout Van Zandycke résume les choses ainsi: « La N-VA et le Vlaams Belang ont des dépenses qui sont similaires à celles de multinationales. »
Il existe aussi une multitude de phénomènes tels que Papacito, figure de proue de la fachosphère française.
Sa chaîne YouTube a été fermée l’an dernier suite à ses nombreuses vidéos violentes et haineuses. Sur l’une d’elles, il tire sur un mannequin grimé en « gauchiste » (en électeur de la France Insoumise), avant de le poignarder dans le ventre. Sans surprise, il est amateur de misogynes.
Mais on trouve également des femmes porte-voix d’idées d’extrême droite, « naturalistes » et conservatrices. C’est le cas par exemple des influenceuses se définissant comme Tradwifes (épouses traditionnelles), qui promeuvent le retour des femmes au foyer et la nostalgie du « bon vieux temps » ou seuls comptent les besoins du mari et la nécessité d’élever de nombreux enfants pour éviter le « Grand remplacement » par «l’invasion de migrants». Elles sont également de fervente militante contre le droit des femmes à disposer de leurs corps.
Dans la pensée de l’extrême droite, la famille nucléaire est une composante essentielle, la cellule de base de la société où se reproduisent les valeurs et l’identité nationale.
Dans ce noyau, les hommes et les femmes occupent des rôles rigides et hiérarchisés qui excluent les questions de genre ainsi que les identités – et les vies – des personnes transgenres par exemple. Ces dernières sont d’ailleurs devenues dernièrement tout particulièrement la cible des organisations et figures d’extrême droite.
Contre la violence capitaliste, le féminisme socialiste !
Le 25 novembre c’est la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Elle fait référence à la date du meurtre des sœurs Mirabal en 1981 par la dictature militaire de Trujillo en République dominicaine. Pour nous féministes socialistes, le combat pour mettre fin à la violence de genre est par essence une lutte de classe et un combat anticapitaliste.
Cette violence n’est possible que parce qu’elle se nourrit d’un modèle de société qui légitime une image de la femme comme étant inférieure, plus fragile et finalement moins humaine. Cela ne nous surprend pas, car le capitalisme a besoin de maintenir la famille et les modèles «traditionnels» pour exploiter le travail rémunéré et surtout non rémunéré des femmes (tâche ménagère au foyer, soins aux autres,…).
Le capitalisme a aussi besoin de diviser dans la population afin d’affaiblir la résistance à l’exploitation. Il a aussi besoin de classer les êtres humains entre elleux, en les identifiant comme plus ou moins vulnérables, pour justifier la violence nécessaire au maintien de ce système. Rejoignez-nous dans le combat pour mettre le sexisme et le système qui l’entretient, le capitalisme, dans les poubelles de l’histoire !