Aujourd’hui, austérité aidant, la situation se dégrade. A l’époque, 59,24% des Portugais avaient approuvé la proposition, un engagement électoral du Parti socialiste au pouvoir et son Premier ministre, José Sócrates.
Lors du référendum, seulement 43,61 % des électeurs inscrits s’étaient rendus aux urnes. Comme l’abstention était supérieure à 50%, selon la Constitution portugaise, ces résultats n’étaient pas « juridiquement » contraignants et le Parlement pouvait légalement décider de les ignorer. Sócrates avait néanmoins confirmé qu’il élargirait les circonstances dans lesquelles l’avortement était autorisé. Cette décision ne venait pas de nulle part : le contexte social, la crise économique de la même année et les nombreuses mobilisations et la campagne pour le « Oui » ont poussé les sociaux-démocrates de « gauche » à légiférer.
Depuis 11 ans d’existence, ce droit a été souvent menacé, et depuis 2015 le vote d’un projet de loi par le Parlement restreint le droit à l’avortement au Portugal ; les femmes devaient désormais payer les frais d’opération et se soumettre à un examen psychologique avant d’avorter.
Parmi les examens en question, l’obligation également de se rendre au Planning familial avant l’interruption de grossesse. Par ailleurs, lors du premier rendez-vous pour l’IVG, les femmes se verraient détailler clairement, par écrit et à l’oral, les allocations auxquelles elles auraient droit dans le cas où elles décideraient d’aller au bout de leur grossesse ! Cela reflète les limites du mouvement de 2007 : alors que la campagne pour le « Oui » a vu de nombreuses jeunes femmes se mobiliser, le mouvement a atterri une fois le vote obtenu.
Malgré cette attaque sur le droit à l’avortement, une militante de la section-sœur du PSL au Portugal (Socialismo Revolucionario) nous fait part lors de la semaine de discussions de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) notamment sur la victoire du « Oui » en Irlande, de ce qui semble être contradictoire à la légalisation de l’avortement : il existe depuis quelques années une décroissance des avortements au Portugal. Beaucoup prennent aujourd’hui chez leur médecin la pilule abortive, celle-là même qui a joué un rôle décisif dans la législation des 12 semaines en Irlande.
D’un autre côté, malgré l’existence des 10 semaines, beaucoup de femmes migrantes n’y ont pas accès, de par leur précarité. La gratuité ne concerne en réalité que les femmes « portugaises ». 10 semaines est aussi relativement bas en comparaison avec les Pays Bas ou l’Angleterre qui proposent respectivement 22 et 24 semaines sur demande. Cela entraine une « fuite » des femmes portugaises qui se rendent en Espagne pour se faire avorter une fois les 10 semaines passées. Cela concerne surtout les plus aisées d’entre elles, qui peuvent se permettre de voyager.
Le problème de l’austérité se pose également, avec les coupes budgétaires beaucoup d’hôpitaux ou services de natalité ferment, ce qui restreint –surtout dans les zones rurales- l’accès à l’avortement. Notre approche « pro-choix » est plus que jamais importante dans la lutte pour les droits reproductifs et les droits des femmes en général : la précarité s’aggravant ; beaucoup de familles au Portugal et ailleurs se voient dans l’impossibilité d’avoir des enfants, les coûts étant trop élevés. L’absence de crèches, des services de mauvaise qualité, ne font qu’aggraver la situation. C’est pour cela qu’il est important de rappeler que le mot « choix » signifie non pas que l’accès à l’avortement mais aussi l’accès à des conditions de vie dignes afin de ne pas être contraint à avorter.
Aujourd’hui, des conditions de vie « dignes » ne sont pas à l’agenda des gouvernements, même celui de « gauche » du Portugal. C’est pourquoi il est essentiel de faire le lien entre la lutte contre l’austérité (et pour des services publics gratuits et de qualité) à la lutte contre ce système.
Les droits des femmes au Portugal ne sont pas plus assurés qu’ailleurs ; si le mouvement qui a vu le « oui » l’emporter en 2007, comme celui qui a fait du référendum de 2018 une victoire historique en Irlande ne continue pas sur sa lancée, les capitalistes et leurs alliés politiciens vont reprendre ces droits fondamentaux durement obtenus.
Le droit à l’avortement en est un, et son interdiction est une expression de l’oppression des femmes sous le capitalisme, parce que celles-ci ne peuvent pas faire de choix sur leur propre corps. La lutte contre le sexisme doit être liée à la lutte contre le système qui produit cette même oppression : le capitalisme.
C’est pourquoi ROSA en Belgique, en Irlande et récemment au Portugal défendent un féminisme socialiste, pour en finir définitivement avec la racine de toutes les oppressions, le système capitaliste.