Mais des centaines de restrictions ont déjà été passées concernant les droits reproductifs par les gouvernements des différents États au cours des cinq dernières années. Dans de nombreux États, l’avortement est de plus en plus inaccessible, en particulier pour les femmes pauvres.
La crise économique et sociale aux États-Unis ne fait que s’aggraver et cette attaque idéologique sur les femmes est la réflexion d’une grande instabilité. Le départ à la retraite du juge de la Cour suprême Anthony Kennedy donne à Trump et aux républicains une occasion en or d’atteindre un objectif de longue date : consolider le contrôle conservateur de la Cour, et si possible, en finir avec Roe V. Wade (décision rendue en 1973 par la Cour suprême des États-Unis sur l’accès à l’avortement).
Pour être clair, Kennedy s’est toujours rangé du côté de la droite, y compris ces dernières semaines, en attaquant les droits des travailleurs, le droit de vote et même en restreignant les droits à l’avortement. Mais il a aussi été central dans la décision favorable sur le mariage égalitaire ; et il y avait des limites à ce qu’il pouvait faire pour s’attaquer aux droits des femmes.
Le candidat de Trump, Brett Kavanaugh, a été choisi précisément parce qu’il est clair qu’il peut compter sur lui pour défendre encore plus systématiquement les intérêts des entreprises et s’attaquer aux droits des femmes, des LGBTQI+, des travailleurs, des immigrants et des Noirs.
Si Kavanaugh est nommé à la Cour suprême, l’atteinte aux droits en matière de procréation s’intensifiera. Dans le cadre de l’alliance de Trump avec la droite chrétienne, il a l’intention de nommer des juges qui auraient pour but de renverser Roe v. Wade.
Cette décision historique de la Cour suprême, qui a légalisé l’avortement dans les 50 États, a constitué un gain décisif du mouvement de masse des femmes des années 60 et 70. Un nouveau sondage Quinnipiac montre d’ailleurs que 63% des Américains veulent garder Roe v. Wade alors que seulement 31% veulent le supprimer.
Scandale
Récemment, Kavanaugh a également fait l’objet d’un scandale à lui tout seul : il est accusé d’avoir organisé des soirées étudiantes dans les années 80 où des jeunes filles étaient droguées à leur insu et violées par plusieurs hommes. Kavanaugh se défend en criant au « complot démocrate », mais il est toutefois devenu très clair que de telles accusations renforcent l’image que Kavanaugh représente, de par ses idées politiques et son comportement de prédateur, celle d’un extrême danger pour les femmes et les droits des femmes aux États-Unis.
Grâce à la puissance du mouvement #MeToo et au courage de Christine Blasey Ford, Deborah Ramirez et maintenant Julie Swetnick, la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême, qui semblait déjà être cadenassée il y a quelques jours seulement, ne tient plus qu’à un fil.
Kavanaugh, après avoir accumulé un dossier d’attaques totalement réactionnaires contre les femmes, les travailleurs et pour les entreprises en tant que juge à la Cour d’appel du district de Columbia, était déjà le candidat le plus impopulaire de la Cour suprême depuis Robert Bork en 1987. Puis l’allégation d’agression sexuelle de Blasey Ford a été rendue publique.
Il est malheureux que Blasey Ford, Ramirez et Swetnick doivent endurer un épisode stressant et traumatisant inimaginable en tant que victimes et survivantes d’agression sexuelle maintenant connues dans tout le pays. Brett Kavanaugh aurait dû être contraint de se retirer en raison de sa politique d’attaques et, en particulier, de la menace qu’il représentait pour Roe v. Wade, qui est soutenue par 64% des Américains selon un sondage Gallup de juillet 2018.
Si Kavanaugh est forcé de se retirer, ce sera à cause de la colère de masse contre les abus sexuels reflétée dans le mouvement #MeToo, et pas du tout à cause de la soi-disant résistance de l’establishment du Parti démocratique.
Les allégations d’agression sexuelle de Kavanaugh ont révélé la culture de l’élite, des écoles secondaires privées et des fraternités et sociétés universitaires de la « Ivy League ». C’est un monde horrifiant et misogyne où il y a littéralement une culture de viol des femmes qui se transmet de génération en génération parmi les jeunes de la classe dirigeante.
C’est de cette culture que les futurs juges, politiciens, PDG et présidents sont imprégnés, une culture dans laquelle les hommes riches et blancs jouent un jeu d’objectivation, d’humiliation et d’agression des femmes. Le terrain d’entraînement pour le patriarcat de la classe dirigeante passe par Harvard, Yale, et les écoles secondaires d’élite comme Georgetown Prep.
Le mouvement femmes aux États-Unis
Aujourd’hui, un nouveau mouvement des femmes prend place aux États-Unis et dans le monde entier, qui cherche à éliminer tous les obstacles structurels à l’égalité des femmes. Aux États-Unis, nous avons vu les marches historiques des femmes en 2017 et 2018, déclenchées par la misogynie de Trump et la révolte #MeToo contre les agressions sexuelles et le harcèlement.
L’expérience récente du mouvement victorieux pour abroger des lois anti-avortement en Irlande et les manifestations massives en Argentine démontre le type de pression qu’il faut exercer sur l’establishment politique pour obtenir des gains réels. Cela montre aussi la nécessité d’un mouvement radical de femmes qui est politiquement indépendant de l’establishment et centré sur les intérêts des femmes de la classe des travailleurs.
Alors que les républicains ont été le fer de lance des attaques, l’approche défensive des démocrates en matière de droits reproductifs n’a pas réussi à endiguer l’assaut qui dure depuis des décennies.
La tâche de la section sœur du PSL aux USA n’est pas seulement de défendre Roe V. Wade face aux réactionnaires sexistes comme Trump et Kavanaugh, mais aussi de regagner le terrain qui a été perdu et de lutter pour étendre les droits en matière de reproduction.
À quoi ressemble la résistance ?
Les dirigeants du Parti démocrate disent qu’ils résisteront à la nomination de Kavanaugh. Mais il n’est même pas clair que tous les sénateurs démocrates voteront contre lui. Les dirigeants démocrates ont très peur d’une lutte sociale sérieuse qui va à l’encontre des intérêts de leurs bailleurs de fonds. Mais c’est exactement ce qu’il faut pour lutter contre cette nomination et contre toute menace de renverser Roe V. Wade ou d’autres attaques réactionnaires de la Cour suprême.
Malheureusement, les démocrates n’ont que peu d’expérience en matière de défense des personnes confrontées aux attaques brutales des républicains. Cette année encore, ils ont vendu les « Dreamers » qui risquent d’être expulsés si le programme DACA prend fin (Deferred Action for Childhood Arrivals est une sorte d’accompagnement administratif dont le but est de protéger les jeunes immigrants admissibles qui sont venus aux États-Unis lorsqu’ils étaient enfants contre l’expulsion et de leur fournir des permis de travail).
Une blessure à l’un(e) est une blessure à tous et toutes !
Des mobilisations de masse de toutes les couches de la population (en réalité la grande majorité) qui sont dans la ligne de mire de cette cabale réactionnaire sont nécessaires ! La construction d’un mouvement de masse soutenu de tous les opprimés souligne la nécessité d’une nouvelle société basée sur la fin de la domination des entreprises, une société socialiste démocratique.
Les revendications de Socialist Alternative :
- Manifestations massives pour s’opposer à Kavanaugh et à la menace qui pèse sur Roe v. Wade ;
- Défendre et étendre les droits reproductifs ;
- L’assurance-maladie pour tous ;
- Pour un salaire minimum fédéral de 15 $ ;
- Taxer les riches pour construire des logements abordables et inverser les coupes dans l’éducation et les services sociaux ;
- Inverser toutes les mesures antisyndicales ;
- Construire un nouveau parti politique qui représente les intérêts des travailleurs et de tous les opprimés.
Publié en septembre 2018 sur Socialist Alternative