La junte a été impitoyable dans sa répression du mouvement. Selon les estimations officielles, 739 personnes ont été tuées et plus de 3 300 arrêtées. Le 11 avril, une note de service ordonnait aux troupes militaires d' »anéantir » les manifestants.
Ces dernières semaines, la violence systématique de l’armée à l’égard des femmes, en particulier les violences sexuelles, a provoqué une éruption de colère. Les photos de deux femmes, Ma Khin Nyein Thu, 31 ans, et Ma Hsu Linn Htet, 19 ans, ont commencé à circuler sur les médias sociaux, montrant les horribles blessures que les militaires leur ont infligées en détention. Ma Shwe Yamin Htet, 17 ans, manifestante anti-régime, qui partageait une cellule avec Ma Khin Nyein Thu, a courageusement parlé de la torture et des violences sexuelles que les militaires ont infligées à sa compagne de cellule.
Les violences sexuelles et les tortures et humiliations sexistes sont monnaie courante. Il y a quelques jours, les militaires ont traîné 10 personnes hors de leur domicile à Yangon pour avoir tapé sur des casseroles et des poêles en signe de protestation contre le coup d’État. Les soldats les ont ensuite forcées à continuer à frapper sur les casseroles et ont fait danser deux femmes en pyjama dans la rue pendant deux heures.
Mais cette misogynie et ces violences sexuelles brutales de la part des militaires ne sont pas nouvelles. La violence des ‘Tatmadaw’ à l’égard des femmes est tristement célèbre, en particulier le viol des Rohingyas et des femmes d’autres minorités ethniques. La violence sexuelle a pour but de démontrer et d’exercer le pouvoir. Dans toutes les guerres et contre-révolutions, le viol et la violence à l’égard des femmes sont utilisés pour démoraliser et écraser les soulèvements révolutionnaires de la classe ouvrière, en particulier les femmes des classes populaires, qui sont souvent à l’avant-garde des luttes.
Celles-ci, en particulier les jeunes femmes, ont été en première ligne de la lutte contre le régime militaire profondément réactionnaire. Nombre des « martyrs » du mouvement sont des jeunes femmes. La première victime connue du coup d’État était Mya Thwate Khaing, une étudiante de 20 ans. L’une des victimes les plus connues est Angel Kyal Sin, 19 ans, qui a été tuée alors qu’elle portait un t-shirt avec le slogan : « Tout ira bien ». Ce ne sont là que deux exemples des innombrables femmes dont la vie a été sacrifiée dans cette lutte héroïque contre la répression.
Ces dernières années, les travailleuses ont été très présentes dans les mouvements de grève, ainsi que dans les luttes syndicales dans des secteurs-clés de l’économie. Ce sont les travailleurs de la santé qui ont été les premiers à se mettre en grève, lançant le mouvement de désobéissance civile, et les travailleurs de l’éducation les ont rejoints peu après. Cette évolution s’inscrit dans une tendance mondiale de radicalisation des travailleuses, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Les grèves des travailleurs de l’habillement, qui sont majoritairement des femmes, ont également constitué une force puissante dans la lutte contre le coup d’État.
Outre leur rôle clé sur le lieu de travail et dans la rue, les femmes ont résisté à la junte en renversant les tabous sexistes. L’exemple le plus frappant est la révolution du « longyi » ou sarong, où les manifestantes ont accroché le vêtement traditionnel « htamein », les sous-vêtements et parfois même les serviettes hygiéniques des femmes comme « barricades » pour ralentir les militaires, qui ne passent pas sous ces vêtements. Cette pratique est fondée sur une superstition selon laquelle les vêtements féminins portés sous la taille peuvent saper l’énergie masculine des hommes.
Le htamein a été adopté comme un symbole de résistance et utilisé comme un drapeau. Lors de la Journée internationale de la femme, les femmes se sont mobilisées sous le slogan « notre htamein, notre bannière, notre victoire ». Certains hommes du mouvement ont pris la parole sur les médias sociaux pour poster des photos d’eux-mêmes portant le htamein sur la tête, rejetant les notions sexistes sur le corps des femmes.Les femmes de la révolution se battent courageusement pour leurs droits démocratiques et contre la répression, mais aussi contre la violence de genre et les tabous misogynes.
Les féministes socialistes du monde entier, de l’International socialist alternative et de Rosa International Socialist Feminists, sont solidaires des femmes de la classe ouvrière, pauvres et opprimées du Myanmar et du mouvement de masse contre le coup d’État. Nous condamnons les actes odieux de violence sexuelle perpétrés par le Tatmadaw et nous sommes à vos côtés dans la lutte pour un monde sans violence, oppression ou exploitation de genre.