#Enough ! Le sexisme est dans l’ADN du système capitaliste.

Le meurtre de Julie Van Espen a provoqué une réelle émotion.

Les hommages rendus au travers de rassemblements et publications montrent avant tout beaucoup de tristesse et de soutien pour la famille et les proches de la victime. Ainsi que de l’incompréhension et de la colère. De la colère face à cette violence. De la colère face à l’inefficacité de la justice. De la colère face à l’inertie du monde politique. Et cela se comprend. Steve Bakelmans – l’homme qui a avoué la tentative de viol et le meurtre (1) de Julie Van Espen – a déjà été condamné par 2 fois pour viol. En 2017, il est condamné à une peine de 4 ans et demi de prison (2). Et pourtant, en mai 2019, il circule librement, sans accompagnement, et il récidive ! Comment se fait-il qu’un an et demi après l’attention médiatique de #MeToo, aucun changement profond ne soit visible en Belgique concernant la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ?

Violences sexistes : problèmes individuels ou faits de société ?

Selon le blog Stop Féminicide, Julie Van Espen est la 11ème victime de féminicide depuis le début de l’année 2019 en Belgique. En 2018, il y a eu au moins 36 femmes victimes de féminicide. En 2017, au moins 39. Ce que de nombreuses militantes – mais également l’OMS (3) – appellent « féminicide » c’est « tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu’elles sont des femmes ». Michela Murgia – romancière italienne – précise que « ce terme ne décrit pas le sexe de la victime, mais la motivation pour laquelle elle a été tuée : le sexisme » (4).

Les violences sexistes sont omniprésentes dans la société sous de nombreuses formes : du harcèlement au viol, de l’insulte au meurtre. Les chiffres sont affolants ! En Belgique : 8 plaintes pour viol par jour ; 9000 appels à « écoute violences conjugales » (5) ; 1 femme sur 6 victimes de harcèlement sexuel dans les festivals ; 44 plaintes par jour pour violence conjugale en Wallonie (6). En Europe, c’est plus d’1 femme sur 3 qui subit des violences physiques et/ou sexuelles (7). Ces exemples montrent bien l’étendue du problème. Les violences envers les femmes – et le sexisme plus globalement – ne peuvent être présentées comme des problèmes individuels, mais bien comme un élément structurel lié au fonctionnement du système.

La position de « citoyen de seconde zone » des femmes, l’inégalité salariale, l’objectification systématique du corps des femmes, l’omniprésente de la pornographie violente, le manque d’éducation sexuelle à l’école, le démantèlement des services publics, la précarité et la pauvreté, … maintiennent et développent un sexisme ambiant et un contexte favorable à ces violences. Et celles-ci sont la réalité quotidienne de nombreuses femmes. Il ne s’agit pas de trouver des excuses pour les auteurs de ces violences. Il s’agit de déterminer ce qui maintient – et à qui profite – cette violence généralisée afin de combattre non pas seulement les conséquences de ce sexisme structurel mais aussi ses causes.

Pourtant, elles sont encore souvent traitées comme des « dérapages incontrôlés » ou des cas isolés. Dans les médias, elles sont en majorité présentées comme des « faits divers ». (8) Et cela a des conséquences. Notamment, l’idée que les victimes aient été « au mauvais endroit au mauvais moment », qui reste bien présente dans la société. De nombreuses femmes changent dès lors leurs comportements : elles ne portent plus certains vêtements, ne sortent pas seules de chez elles et tentent d’éviter certains lieux. Et tout cela propage différentes fausses idées.

Marche contre les violences faites au femmes à Anvers le 17 mai 2019

La première est le fait même qu’il existe des endroits que les femmes devraient éviter de fréquenter parce qu’elles sont des femmes. L’incohérence de cette idée paraît encore plus claire si on considère que la majorité des agressions sexuelles et des violences sexistes sont commises par des « personnes connues de la victime : un partenaire, un parent, un proche, une connaissance, un collègue ou un responsable hiérarchique » (9). Nous devrions avoir le droit de nous déplacer partout et à tout moment, sans peur et sans jugement. Ce ne sont pas les femmes qui devraient faire attention au chemin à emprunter pour rentrer chez elles, aller au travail ou voir des amis. Et surtout de nombreuses femmes travailleuses n’ont pas d’autres choix qui de se rendre à leur travail quel que soit l’heure ou le lieu. C’est la société qui devrait assurer la sécurité de tous les membres de sa population. Si autant de moyens étaient mis dans la lutte contre les violences faites aux femmes que ce que le monde politique a mis pour protéger les banques ou exécuter la chasse aux chômeurs, il y aurait des avancées plus importantes face aux violences sexistes.

Il n’existe malheureusement, dans cette société, aucun espace où les femmes sont complètement à l’abri. Tout comme il n’existe aucun endroit, aucune situation où elles se mettent volontairement en danger. Mais ce n’est pas en évitant certains lieux que nous serons plus en sécurité. Pourtant, les dernières années, notamment dans les milieux féministes, ce sont développées des idées d’ « espaces de sécurité », c’est à dire une tolérance zéro pour les propos et actes discriminatoires dans un endroit précis. Il paraît logique qu’il y ait une recherche de solutions directes pour assurer la sécurité. Mais nous ne voulons pas nous limiter à des « petites bulles » et des changements individuels de comportements, qui, sous le capitalisme, ne sont que des acquis temporaires. Notre objectif est une société où les femmes, et tout un chacun, puissent trouver leur place et se sentir en sécurité. Assurer que l’espace pour les agressions sexuelles diminue, demande un plus grand contrôle social face au sexisme et l’arrêt de la banalisation de ces violences sexistes. Mais comment lutter contre le sexisme dans l’espace public quand celui-ci est envahi d’images banalisant le sexisme et la violence ? La culture du viol est portée par l’industrie du porno et la prostitution mais également par les grandes entreprises qui se servent du corps des femmes pour vendre tout et n’importe quoi. Certaines publicités banalisent les agressions sexuelles comme celle de Calvin Klein ou de Dolce&Gabana qui ont mis en scène un viol collectif, avec pour seul but d’augmenter les profits de certains. Sans surprise, cette omniprésence de la femme-objet a des conséquences sur la vision et la place de la femme dans la société.

Une autre conséquence des discours « au mauvais endroit au mauvais moment » est que ces agressions sont vues comme un « manque de chance ». Cela évite de chercher des responsabilités à ces situations ailleurs que dans le chef de l’agresseur. Et finalement d’ôter la responsabilité de ceux qui dirige la société dans le maintien d’un sexisme ambiant. A quelques semaines des élections, tous les politiciens sont sortis dans les médias avec de grandes déclarations à la suite du meurtre de Julie Van Espen. Tous s’auto-déclarent féministes. Tous semblent avoir des plans détaillés et des « solutions miracles » sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce n’est pas la première fois que nous voyions cette attention médiatique et politique pour la lutte contre le sexisme. À la suite de #nousn’exageronspas (#wijoverdrijvenniet), #MeToo, des Women’s Million Marches … ils étaient déjà tous sortis face aux médias pour leurs déclarations.

En 2012, le documentaire ‘‘Femmes de la rue’’, tourné en caméra cachée par une étudiante dans les rues de Bruxelles, oblige les politiques à réagir. Joëlle Milquet, alors ministre CDH de l’Intérieur, développe la loi de 2014 contre le sexisme dans l’espace public. Cette dernière punit d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et/ou d’une amende de 50 à 1000 euros l’auteur de tout geste ou comportement qui a pour but d’exprimer un mépris envers une personne en raison de son sexe. Mais celle-ci dernière est difficilement applicable.

Marche contre les violences faites au femmes à Anvers le 17 mai 2019

Les comportements sexistes sont banalisés dans la société, les femmes ne portent pas plainte et le fardeau de la preuve (qui reste très difficile) incombe à la victime. Pour les politiciens traditionnels, il s’agit en réalité plutôt de montrer ‘‘qu’ils font quelque chose’’. C’est ainsi qu’en 2016, la Belgique a signé la convention d’Istanbul, qui veut améliorer la lutte contre les violences faites aux femmes au niveau européen en se basant sur la prévention, la protection et la poursuite. Mais la pratique de leurs politiques montre une toute autre histoire. Tout en laissant les multinationales et grandes entreprises utiliser le sexisme comme argument de vente, ils réduisent les budgets de la police locale et des travailleurs de rue, ceux de la justice ainsi que ceux des services de prévention, de l’enseignement, des soins de santé et du secteur social. Résultat : manque de personnel, de formation pour les professionnels – notamment à la gestion des agressions sexistes, racistes ou homophobes -, de structures d’accueil pour les victimes, de réelles campagnes de prévention, … Mener la lutte contre le sexisme – comme contre toute autre forme de discrimination – et les violences demandent des moyens incompatibles avec les politiques d’austérité qui sont menées !

Sous-Financement + Austérité = Inefficacité !

La colère contre le monde judiciaire est assez grande. Il plane l’idée que ce drame aurait pu être évité – comme beaucoup d’autres – si la justice fonctionnait mieux. Il est certain que l’arsenal juridique pour protéger les victimes de violences sexuelles doit être amélioré. Mais cela n’est pas du tout suffisant.

Voter de nouvelles lois sans donner les moyens de les appliquer n’est que pure hypocrisie. Si les politiciens s’indignent du fait que Steve B. ait pu être libéré, ils ont une réelle responsabilité dans cette situation. Des années de sous-financement et l’application de mesures d’austérité ont mis le système judiciaire sur le ventre. Selon Liesbeth Stevens, professeur de droit à la KU Leuven. « La lutte contre les violences sexuelles s’avère peu efficace dans notre pays parce que la Justice, en sous-effectif structurel, n’en fait pas une priorité. […] Les intervenants à titre individuel sont de bonne volonté mais ils se heurtent là aussi à un système qui, en raison du sous-financement, les oblige à faire des choix, et donc à ne pas traiter les délits sexuels de manière prioritaire. » (10)

En 2018, à Bruxelles, le service administratif du parquet de Bruxelles a classé sans suite 1.700 dossiers pénaux et il a été demandé aux substituts du procureur du roi de Bruxelles momentanément – pour une période de 1 ou 2 mois – de classer sans suite de manière systématique « le vol simple, le vol à l’étalage, les menaces et le harcèlement ». Et la raison invoquée est le manque de personnel et l’incapacité matérielle de traiter les dossiers (11). Les économies dans la police et la surpopulation des prisons – dénoncées régulièrement par les agents pénitenciers – ne font qu’empirer la situation. En Belgique, ce sont 50% des plaintes pour viol qui sont classées sans suite. Le monde judiciaire – qui ne représente pas la couche la plus militante dans la société – s’était mis en actions à plusieurs reprises les dernières années pour dénoncer ces manques.

Assurer une justice demande des moyens. Assurer une justice qui permettrait de lutter plus efficacement contre les violences sexuelles en demande encore plus. Mais nous ne voulons pas non plus être naïfs. Même avec tous les droits démocratiques, obtenir une « justice pour tous » dans une société dirigée par les profits d’une toute petite minorité s’avère être une mission impossible. La justice est toujours influencée par la division en classes sociales de la société. Comment faire confiance à une justice qui – souvent – est utilisé comme un outil de répression contre la majorité de la population, tout en protégeant les biens et avantages de la minorité dirigeante ? Pour avoir une justice pour tous, nous avons besoin d’une société qui se base sur les besoins de la majorité et non pas sur les profits de quelques-uns.

La lutte contre les violences sexuelles demande une réflexion plus large sur le rôle et le fonctionnement de la justice. En effet, de nombreuses organisations de terrain dénoncent l’inefficacité des peines de prison telles qu’elles sont aujourd’hui appliquées – notamment sur les auteurs de violences sexuelles. Et si l’extrême droite profite de ces drames pour revendiquer des peines plus lourdes – allant jusqu’à la réintroduction de la peine de mort – les experts dans le secteur parlent plutôt de la nécessité de développer l’accompagnement afin de diminuer les risques de récidives. Mais cela demande également la fin des coupes budgétaires et des moyens supplémentaires afin d’avoir du personnel formé supplémentaire pour les secteurs de la justice, de la santé et du social. Grâce à un suivi spécialisé, le nombre de récidiviste peut être réduit de plus de moitié. Bien sûr, il ne s’agit que de prévention tertiaire. Ce qu’il faut réellement, c’est une prévention primaire c’est-à-dire une politique de prévention plus efficace contre les violences sexuelles dans la société !

Mais l’austérité n’a pas uniquement des impacts au niveau judiciaire. Le gouvernement s’enorgueillit de la construction de 3 centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles. C’est effectivement un pas en avant, mis en place dans un cadre d’une pression grandissante grâce au mouvement #MeToo. Il est même annoncé que 3 nouveaux centres verront le jour. Pourtant cela reste insuffisant.

Ces centres ont prouvé leur efficacité : « Les chances de guérison sont meilleures chez les victimes de violences sexuelles qui ont accès à des soins multidisciplinaires » et « 70 % des victimes qui sont référées à un centre de prise en charge multidisciplinaire déposent plainte alors qu’en général, 90 % des victimes d’agressions sexuelles ne font pas de déclaration. » (12) Le nombre de victimes qui s’y sont présentés a largement dépassé ce qui était imaginé. Mais la logique de coupes budgétaires dans les soins de santé et le secteur social risque fortement de limiter ces initiatives si la pression sur ces questions diminue.

De même que le manque de formation des agents de police à l’accueil de victimes d’agressions sexuelles, la charge de la preuve sur la tête de la victime, … jouent un rôle important dans la mauvaise prise en charge des victimes. Comment pourrait-il en être autrement alors que parmi la police même, 1 policière sur 4 est victime de harcèlement sur son lieu de travail ? (13) Cela montre à quel point, les policiers ne sont absolument pas préparés et conscients du rôle négatif qu’ils jouent dans l’accompagnement des victimes de violences sexuelles. Les témoignages sont nombreux et éloquents : dépositions qui ne sont pas prises au sérieux, culpabilisation des victimes, …

Luttons pour des investissements publics dans la prise en charge des victimes !

  • Pour un refinancement public du secteur social afin d’offrir un accompagnement correct aux victimes de violences et de discriminations mais également de faire un réel travail de prévention et de conscientisation.
  • Pour des investissements publics dans la création de refuges pour les personnes qui en ont besoin, telles que les femmes et leurs familles ou encore les personnes LGBTQI+ (victimes de violences).
  • Pour la formation des travailleurs de terrain (police locale, éducateurs, accompagnateurs de bus et trains, personnel médical, …) à la prévention et à la gestion des agressions et du sexisme quotidien

Mais ce n’est pas uniquement l’aspect répressif qui doit être mis en cause. Les politiques ont une responsabilité importante dans les manques flagrants au niveau de la prévention des violences envers les femmes. Faire 1 ou 2 fois des campagnes chocs à la télé et à la radio ne compensent pas les impacts du sexisme ambiant et du manque d’éducation sexuelle.

Si les politiciens sont prêts à dénoncer quelques comportements sexistes, ils ne sont pas prêts à s’attaquer aux racines du problème. Alors qu’ils pointent du doigt les hommes – surtout parmi les couches les plus précarisées de la société, rien n’est fait contre les publicités sexistes omniprésentes dans les rues et les médias. Pourtant, l’objectivisation du corps de la femme – au seul service des profits d’une minorité – continue à répandre l’idée malsaine que les femmes ne sont finalement que des objets à traiter comme tels, et participe à la banalisation des harcèlements sexistes. (14) Leurs déclarations ne sont qu’un rideau de fumée. Les classes surpeuplées et le manque de moyens dans l’enseignement laissent l’éducation sexuelle entre les mains de la télé, d’internet et de la pornographie. Et malgré un discours hyper sécuritaire, le nombre d’agents de quartiers mais également de travailleurs sociaux, de rue, … ne fait que diminuer.

À Anvers, le conseil communal a placardé la ville d’affiches s’adressant uniquement aux hommes avec des slogans tels que : ‘‘est-ce que quelqu’un peut suivre ta fille en rue ?’’, ‘‘est-ce que quelqu’un peut toucher ta femme ?’’, … Le pronom possessif employé en dit long sur le chemin à parcourir ! Au même moment, ces politiciens retiraient les travailleurs sociaux des rues et s’appliquaient à privatiser une partie du secteur social. Cette approche stigmatise les hommes et s’attaque à ceux qui, sur le terrain, peuvent faire une différence (15).

Luttons pour une réelle politique publique de prévention !

  • Pour un refinancement public de l’enseignement, afin notamment d’assurer que l’éducation sexuelle et affective des jeunes ne se fasse pas principalement par internet et le porno.
  • Stop à l’utilisation de nos corps comme des objets pour augmenter les profits des entreprises.
  • Stop à la banalisation des violences faites aux femmes dans les médias (pubs, porno, séries, …).
  • Pour l’utilisation des espaces publicitaires à des fins sociales (prévention, culture, …) et non commerciales.
  • Pour plus de transports en commun avec plus de personnel d’accompagnement.

Lutte contre les violences sexistes = lutte pour l’indépendance économique des femmes

Comme cela a été dit, une majorité des violences faites aux femmes le sont par des personnes de l’entourage de la victime. Que faire quand la violence se passe à la maison, sur notre lieu de travail ou dans nos cours ? Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes n’ont financièrement pas la possibilité de quitter leur emploi ou leur partenaire. Et les politiques menées par les partis traditionnels – au profit d’une petite minorité dans la société – ne font qu’aggraver ce phénomène. En s’attaquant à nos pensions, nos salaires, nos services de soins, … de plus en plus de femmes se retrouvent encore plus vite en situation précaire et donc plus vulnérable face aux violences. Il faut lutter contre les violences économiques d’autant plus qu’elles facilitent les autres formes de violences !

Mais la lutte contre le sexisme n’est pas la lutte des hommes contre les femmes. C’est la lutte contre une société qui maintient les bases sociales pour l’oppression et les discriminations. Une lutte de tous les opprimés contre une classe dirigeante minoritaire qui oppresse et exploite pour son seul intérêt.

Luttons pour l’indépendance économique des femmes !

  • Pour des emplois stables correctement rémunérés. Pour un salaire de minimum 14 €/h (2300€/mois)
  • Pour une individualisation des droits et une revalorisation des allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté.
  • Pour une pension minimum de 1500€/mois net.
  • Pour un salaire étudiant qui couvre l’ensemble des coûts des études. Pour un enseignement gratuit et de qualité ! Afin notamment de stopper le développement de la prostitution pour pouvoir payer ses études.

Des luttes sont nécessaires pour arracher nos revendications !

A l’heure actuelle, la réaction face au meurtre de Julie Van Espen est à l’hommage et au soutien à la famille. Mais pour que les choses changent réellement, il faudra lutter. De nombreux mouvements contre le sexisme se sont organisés à travers le monde les dernières années. Pour beaucoup de femmes, la nécessité de lutter et de s’organiser est de plus en plus claire.

Des mouvements se sont organisés pour défendre les droits reproductifs aux USA, en Irlande, en Pologne et dans l’Etat Espagnol. Et des mobilisations massives ont eu lieu en Inde et en Amérique Latine pour dénoncer la culture du viol. Le mouvement « Ni Una Menos » né en 2015 en réaction au nombre de féminicides présents dans une série de pays d’Amérique Latine. En 2016, en Argentine, une femme était assassinée toutes les 30 heures. Et ce mouvement a mobilisé et organisé des centaines de milliers de personnes pour revendiquer une meilleure prise en charge des agressions sexuelles par le pouvoir judiciaire, des budgets pour la lutte contre les violences faites aux femmes, des statistiques des cas de violence contre les femmes ; un meilleur accompagnement et une protection des victimes, un renforcement de la formation des personnels éducatifs en matière d’éducation et de genre ; une formation obligatoire en matière de violence sexiste pour les agents de sécurité et les acteurs judiciaires, … (16)

Les vagues féministes précédentes nous l’ont appris. Sans lutte pas d’acquis. Sans lutte, nous sommes même confrontés à des reculs. Il suffit de regarder aujourd’hui le droit à l’avortement aux USA qui est attaqué de toute part par l’administration Trump. Et sans lutte, le système peut même détourner certaines de nos revendications. « Le capitalisme est un système opportuniste qui saisit toute possibilité de réaliser un profit à mesure qu’il évolue. » (17) La libération sexuelle revendiquée par la 2ème vague féministe a été instrumentalisée par le capitalisme pour exploiter le corps des femmes dans tous ses aspects. A travers la publicité, les films, … les femmes sont réduites à l’état d’objet et dont l’objectif serait d’assouvir la sexualité des hommes.

Seule la construction d’un mouvement fort peut permettre de construire le rapport de force nécessaire pour combattre réellement le sexisme. Il ne s’agit pas d’une lutte entre les hommes et les femmes mais bien d’une lutte entre ceux qui utilise le sexisme pour augmenter leur profit et asseoir leur pouvoir et la majorité de la population qui en paie le prix !

Le sexisme est un problème collectif, ce n’est que par une lutte collective que l’on pourra le combattre. L’unité doit se faire depuis la base entre tous ceux qui ont les mêmes intérêts : les jeunes, les allocataires sociaux et les travailleurs hommes et femmes. Refusons de rentrer dans le piège de la division et dans le raccourci que les hommes profiteraient de cette situation. L’unité dans la lutte n’est pas un choix, c’est une nécessité. Aucune avancée majeure pour l’émancipation des femmes ne pourra se faire sans l’implication de l’ensemble de la classe dominée. Et les mouvements de lutte de la classe des travailleurs sont ceux qui ont le plus grand pouvoir pour changer la société, s’ils construisent l’unité à travers un programme correct. De tels mouvements peuvent devenir des luttes qui organisent l’ensemble des groupes opprimés, qui peuvent y mettre en avant leurs revendications spécifiques. (18)

Il n’y a pas de capitalisme sans sexisme et sans violence

Les politiciens traditionnels ne sont pas les seuls à porter une responsabilité quant au maintien du sexisme ambiant. L’hypersexualisation et l’objectification du corps des femmes – pour les profits de quelques-uns – participe grandement à diffuser une image dégradante des femmes comme des objets. Le sexisme permet aux classes dirigeantes d’augmenter leurs profits en ayant une main-d’œuvre moins bien payée (le salaire des femmes étant en Belgique, toujours en moyenne 25% plus basse que celui des hommes), en utilisant massivement le corps de la femme dans la publicité, à travers le secteur de la pornographie, la prostitution, … et enfin en laissant entre les mains des femmes de nombreuses tâches (éducation des enfants, soins aux personnes âgées,…), ces dernières fournissant dès lors du travail gratuit. La violence qui en découle n’est qu’un « petit prix à payer » de leur point de vue.

Il ne s’agit pas seulement de dénoncer les injustices subies par les femmes de la classe des travailleurs mais d’en comprendre les causes afin de les combattre. Les violences contre les femmes ne sont pas dues à un problème de culture ou à un ‘‘mauvais choix’’ des femmes, mais bien à une violence liée au fonctionnement du système actuel, le capitalisme. La violence n’est pas inhérente à l’individu, comme le prétendent certains. Non, on ne naît pas violent, on le devient.

D’une part, le capitalisme produit ouvertement de la violence à travers ses nombreux canaux de diffusion : la culture du viol présente dans tous les médias, l’objectification et la marchandisation du corps des femmes visibles partout et chaque jour on peut entendre des discours politiques sexistes. D’autre part, ce système maintient les femmes dans une position inférieure par la précarisation de l’emploi, l’écart salarial, le harcèlement au travail, la dévalorisation des secteurs dits ‘‘féminins’’, la difficulté de combiner travail et vie de famille, la destruction des services publics et la surcharge de travail domestique que cela occasionne… Ce scénario d’inégalité et de misère sociale permet à ce système de s’enrichir. La classe dirigeante n’a donc aucun intérêt à ce que les individus soient égaux (19). Surtout que cela lui permet également d’utiliser la technique du « diviser pour mieux régner » en opposant des groupes dans la majorité de la population – tels que les hommes face aux femmes, les différentes religions, origines,orientations sexuelles, … – afin d’affaiblir leur capacité à s’unir dans les luttes.

L’émancipation réelle des 99% de la population – hommes et femmes – et la lutte contre les violences sexistes sont étroitement liés à celle contre ce système qui n’offre que des pénuries grandissantes et qui permet aux 1% les plus riches d’accaparer presque toutes les richesses. La Campagne ROSA défend la nécessité de lier la lutte contre le sexisme à celle contre les politiques d’austérité, et plus généralement à la lutte contre le capitalisme. Les femmes, la jeunesse et toute la classe ouvrière ont intérêt à mener ensemble la lutte contre le système capitaliste.

Un contrôle démocratique des secteurs clés de l’économie ne nécessiterait plus d’utiliser le corps des femmes comme objets, puisque le but ne serait plus de maximiser les profits, mais de répondre aux besoins de la population. Une indépendance financière et des services publics accessibles et de qualité, de réels choix de vie pour les femmes deviendraient ainsi enfin possibles. C’est uniquement sur base des besoins de la majorité que nous pouvons construire une société fondée sur l’égalité et la solidarité, au sein de laquelle aucun être humain ne puisse en opprimer et en exploiter un autre : une société socialiste.

NOTES

1) Source : https://plus.lesoir.be/222851/article/2019-05-07/meurtre-de-julie-van-espen-en-2017-lemprisonnement-impossible-de-steve-bakelmans
2) Source : http://stopfeminicide.blogspot.com/2019/05/040519-julie-v-23-jaar-antwerpen.html
3) OMS = Organisation Mondiale de la Santé
4) Source : http://www.justicepaix.be/IMG/pdf/2017_analyse_ni_una_menos_le_mouvement_global_contre_la_violence_faite_aux_femmes.pdf (p.3)
5) Chiffre 2016 ; Source : https://www.rtl.be/info/belgique/societe/violences-conjugales-les-appels-au-centre-d-ecoute-ont-triple-le-nombre-de-plaintes-reste-identique–1097881.aspx
6) Chiffre 2015 ; Source : http://www.ajp.be/le-traitement-mediatique-des-violences-faites-aux-femmes-une-etude-et-des-recommandations-aux-journalistes/
7) Femmes de 15 ans et plus ; Source : https://fra.europa.eu/fr/publication/2014/la-violence-lgard-des-femmes-une-enqute-lchelle-de-lue-les-rsultats-en-bref
8) En 2018, L’Association des journalistes professionnels (AJP) a commandé une étude sur le traitement médiatique des violences faites aux femmes. Plusieurs éléments en ressortent ainsi qu’une série de recommandations. L’étude met en avant le danger d’aborder systématiquement ces violences sous l’angle de « faits divers ». Sans remettre systématiquement le contexte général et des analyses globales, « le lien entre les cas individuels et les phénomènes de société est alors gommé. » ; Source : http://www.ajp.be/le-traitement-mediatique-des-violences-faites-aux-femmes-une-etude-et-des-recommandations-aux-journalistes/
9) Source : Amnesty internationale, https://www.amnesty.be/IMG/pdf/mcmd_dazibao_noncnon_articlespip.pdf
10) Source : https://www.lecho.be/dossiers/elections-2019/la-lutte-contre-la-violence-sexuelle-n-est-pas-une-priorite-en-belgique/10124714.html?fbclid=IwAR3MOMgSYamr7ZRMElFr6-FKkisQFb3Hv5XSNrtd-8d2bolH5M-JNjQySzw
11) Source : https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/general/vols-simples-et-harcelement-ne-sont-plus-poursuivis-a-bruxelles/10062733.html
12) Source : https://www.lalibre.be/actu/belgique/correctement-prises-en-charge-70-des-victimes-de-viol-deposent-plainte-5c8fdf0d9978e2710eea8332
13) Source : https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_une-policiere-sur-quatre-harcelee-temoignage-d-une-ex-commissaire?id=10215850
14) https://fr.campagnerosa.be/articles/1835-sexisme-harcelement-quotidien-a-eradiquer
15) https://fr.campagnerosa.be/articles/1835-sexisme-harcelement-quotidien-a-eradiquer
16) Source : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-16-printemps-2018/dossier-le-s-feminisme-s-aujourd-hui/article/le-mouvement-ni-una-menos-pas-une-de-moins-en-argentine
17) https://fr.campagnerosa.be/dossiers/531-feminisme-socialiste
18) https://fr.campagnerosa.be/dossiers/275-marxiste-feminisme
19) https://fr.campagnerosa.be/articles/1837-finir-violences-contre-femmes


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.