Sexisme et harcèlement : un quotidien à éradiquer

98% des femmes déclarent avoir été harcelées au moins une fois dans leur vie (1).

Accablant ? Ce n’est pourtant que le début d’une longue liste de chiffres sur le harcèlement qui révèlent l’étendue de cette violence que subissent les femmes au quotidien ! Ce sujet, longtemps considéré comme sans importance, est aujourd’hui sur le devant de la scène grâce à l’impulsion des mouvements de lutte contre le sexisme.

46% des femmes ne se sentent pas du tout en sécurité pour marcher seules dans un centre-ville après la tombée de la nuit. 95% des Wallonnes ont fait l’objet de sexisme dans l’espace public. Le plus souvent, il s’agit de blagues, de propos déplacés, de huées, de sifflements. Cependant, dans 1/3 des cas, le sexisme s’est traduit par des agressions physiques2. 83% des femmes affirment avoir été harcelées au moins une fois dans l’année dans un transport public et, dans 88,6% des cas, les témoins d’incidents n’ont eu aucune réaction3.

Les conséquences du harcèlement sont dévastatrices pour beaucoup de femmes. Certaines tentent d’éviter certains lieux et ne portent pas les vêtements qu’elles souhaitent pourtant mettre. D’autres ont tendance à rester cloîtrées chez elles, à éviter les transports en commun, quittent leur travail, tombent en burnout,…

Loi anti-sexisme

En 2012, le documentaire ‘‘Femmes de la rue’’, tourné en caméra cachée par une étudiante dans les rues de Bruxelles, oblige les politiques à réagir. Joëlle Milquet, alors ministre CDH de l’Intérieur, développe la loi de 2014 contre le sexisme dans l’espace public. Cette dernière punit d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an et/ou d’une amende de 50 à 1000 euros l’auteur de tout geste ou comportement qui a pour but d’exprimer un mépris envers une personne en raison de son sexe.

Cette dernière est toutefois difficilement applicable. La première année, seules 25 plaintes ont été déposées à travers le pays, ce qui démontre directement les limites d’une telle approche. Si les femmes ne portent pas plainte, c’est parce que ces comportements sont tout à fait banalisés dans la société. De plus, le fardeau de la preuve incombe à la victime et il n’est pas évident de prouver quoi que ce soit.

Pour les politiciens traditionnels, il s’agit juste de montrer ‘‘qu’ils font quelque chose’’. Parallèlement, ils réduisent les budgets de la police locale, ceux de la justice ainsi que ceux des services de prévention et du secteur social. Résultat : le personnel manque, de même que la formation, notamment à la gestion des agressions sexistes, racistes ou homophobes.

Cette loi illustre toute l’hypocrisie des politiciens traditionnels. Ils sont prêts à sanctionner quelques comportements sexistes, mais pas à s’attaquer aux racines du problème. Alors qu’ils pointent du doigt les hommes, rien n’est fait contre les publicités sexistes omniprésentes dans les rues et les médias. Pourtant, l’objectivisation du corps de la femme – au seul service des profits d’une minorité – continue à répandre l’idée malsaine que les femmes ne sont au final que des objets à traiter comme tels. Cela participe très certainement à la banalisation des harcèlements sexistes.

De temps en temps, les politiques mènent des campagnes de sensibilisation au sexisme, aux violences faites aux femmes ou au harcèlement. Mais il ne s’agit que d’un rideau de fumée. À Anvers, le conseil communal a placardé la ville d’affiches s’adressant uniquement aux hommes avec des slogans tels que : ‘‘est-ce que quelqu’un peut suivre ta fille en rue ?’’, ‘‘est-ce que quelqu’un peut toucher ta femme ?’’, … Le pronom possessif employé en dit long sur le chemin à parcourir ! Au même moment, ces politiciens retiraient les travailleurs sociaux des rues et s’appliquaient à privatiser une partie du secteur social.

Cette approche stigmatise les hommes et s’attaque à ceux qui, sur le terrain, peuvent faire une différence. Ce n’est qu’un paravent hypocrite pour des politiciens qui se disent ‘champions de la cause’, mais qui appliquent les mesures d’austérité qui touchent très durement les femmes. En s’attaquant aux services publics, au secteur non marchand, en traquant les chômeurs – sans qu’il y ait suffisamment d’emplois et encore moins d’emplois décents – en négligeant les structures accessibles pour accueillir les enfants,… les politiques ne font que renforcer la précarité des conditions de vie de nombreuses femmes.

Les mouvements féministes en action

Heureusement, les politiciens ne sont pas les seuls à réagir. De plus en plus de femmes s’organisent et revendiquent de pouvoir circuler, travailler, aller à l’école,… sans se sentir en insécurité. Ces mouvements mettent souvent l’accent sur la prévention et l’éducation comme point central pour améliorer la situation. Il est certain qu’un cours d’éducation sexuelle impliquant des discussions sur le sexisme est nécessaire dans toutes les écoles. Mais comment le faire décemment quand les classes sont surchargées, le personnel épuisé,… ? Il faut revendiquer plus de prévention, mais cela doit être lié à la revendication d’un refinancement public de l’enseignement et également à un refinancement public du secteur social, pour qu’il soir capable de jouer un rôle plus important d’accompagnement, de prévention et d’intervention dans les rues, les lieux de sortie,…

Face au manque de solutions globales, de nouvelles stratégies sont apparues dans les mouvements féministes comme la revendication d’espaces non mixtes : des wagons pour femmes, des heures de piscines ou au de fitness réservées aux femmes, des festivals uniquement pour femmes,… S’il est tout à fait compréhensible que les femmes recherchent des lieux protégés du harcèlement, nous estimons important de souligner les limites de telles propositions.

Il ne s’agit pas d’une solution pour rendre l’espace public plus accessible aux femmes en toute quiétude, mais bien d’une restriction des lieux et heures où les femmes peuvent faire du sport, se déplacer,… Le combat contre le harcèlement doit être lié à des revendications permettant une meilleure utilisation de l’espace public pour toutes et tous : plus de transports en commun, plus de lieux de loisirs publics,… encadrés par du personnel formé et en nombre suffisant.

Une solution collective contre un problème collectif

Le harcèlement – et le sexisme plus globalement – n’est pas un problème individuel, mais bien un élément structurel lié au fonctionnement de ce système. Le capitalisme utilise le sexisme, de même que le racisme ou l’homophobie, pour diviser la majorité de la population. Le sexisme permet aux classes dirigeantes d’augmenter leurs profits en ayant une main-d’œuvre moins bien payée (le salaire des femmes étant en Belgique, toujours en moyenne 25% plus basse que celui des hommes), en utilisant massivement le corps de la femme dans la publicité, à travers le secteur de la pornographie,… et enfin en laissant entre les mains des femmes de nombreuses tâches (éducation des enfants, soins aux personnes âgées,…), ces dernières fournissant dès lors du travail gratuit.

Participe avec la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) à la manifestation nationale contre les violences faites aux femmes le samedi 25 novembre prochain, 14h, gare du Nord à Bruxelles.

La campagne ROSA revendique la fin de la politique d’austérité. Elle souligne d’autre part qu’il n’y a pas de capitalisme sans sexisme. L’un se nourrit de l’autre. C’est pourquoi il est primordial de développer le mouvement féministe socialiste, afin de construire les bases matérielles nécessaires à une réelle émancipation des femmes et en finir avec toutes les formes de sexisme nauséabond, dont les violences faites aux femmes est l’expression la plus dure.

Notes

1 ‘Mon expérience du sexisme’, une enquête réalisée auprès de 3294 femmes de Belgique et de France
2 Campagne de Vie Féminine « Brisons l’engrenage infernal »
3 Étude du collectif français ‘Stop harcèlement de rue’ sur notamment le harcèlement dans les bus, trams, métros à Bordeaux, 2016.


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.