USA – Grève des travailleurs de McDonald’s : une lutte féministe historique !

Le 18 Septembre des milliers de travailleuses de McDonald’s ont fait grève dans différentes villes aux Etats-Unis pour protester contre le harcèlement sexuel au travail.

L’action s’est déroulée pendant l’heure du déjeuner, dans dix villes simultanément : Chicago, Los Angeles, San Francisco, Miami, Orlando, New Orléans, Milwaukee, St. Louis, Kansas City et Durham. Ces actions sont sans précédent dans ce secteur déjà très précaire où le salaire minimum ne dépasse souvent pas les 8 dollars de l’heure et où les droits syndicaux sont parfois inexistants.

Neuf travailleuses de McDonald’s avaient, quatre mois plus tôt, portés plainte contre l’entreprise devant l’agence fédérale chargée de promouvoir l’égalité dans le monde du travail (EEOC) et n’ont jamais reçu de réponse. Les plaintes concernaient des cas d’agressions sexuelles, de harcèlements et autres intimidations sur leurs lieux de travail ; des attitudes sexistes apparemment courantes dans l’entreprise de fast-food américaine.

Les plaintes n’étant pas prises au sérieux par la direction et ne recevant aucunes réponses des instances officielles, les travailleuses de Mc Do ont décidé d’aller plus loin en organisant cette journée de grève sans précédent.

Le secteur du fast-food a déjà connu des mouvements sociaux notamment celui des 15 dollars de l’heure (la campagne « 15 Now ! ») un peu partout aux Etats-Unis depuis 2012, où des milliers de travailleurs de fast-food s’étaient organisés pour revendiquer des augmentations des salaires et de meilleurs conditions de travail.

La campagne des 15 dollars de l’heure avait notamment permis son adoption à Seattle, ville où Kshama Sawant – membre de notre organisation-sœur Socialist Alternative – a été élue au conseil communal sur base de cette lutte. Mais c’est la première fois que la multinationale fait face à un mouvement où les travailleuses s’organisent autour de la question du sexisme.

La grève prend place dans un contexte de recrudescence des mouvements féministes avec, entre autres, les « Women’s March » lors de l’investiture de Trump et le hashtag Metoo dénonçant le harcèlement notamment sur les lieux de travail et dans des milieux tel que le cinéma.

Depuis deux ans l’atmosphère est plus favorable à ce que de nombreuses femmes prennent courageusement la parole contre leurs abuseurs, sur les réseaux sociaux, mais également à travers des campagnes ou des actions comme celles-ci.

Mais l’action du 18 Septembre n’est pas que courageuse, elle est historique. Il s’agit de la toute première grève nationale contre le harcèlement sexuel. Elle est menée par des femmes de couleur de la classe ouvrière dans un contexte qui tend à être dominé par les récits de femmes riches et célèbres.

Des revendications claires

Avec des pancartes affichant des slogans comme « Time’s up Clown », « sexual harassement : « not loving it »  »  et « 1 big mac, extra cheese, hold the sexual harassment », les employé(e)s de McDonald’s ont montré à l’entreprise qu’ils et elles ne se contenteraient pas de belles paroles sur le harcèlement sexuel dans leurs restaurants.

La multinationale a répondu qu’elle s’associerait avec le Réseau national contre le viol, les abus et l’inceste, « RAINN », et la firme juridique « Seyfarth Shaw at Work » pour répondre aux demandes de ses employé(e)s. Seyfarth Shaw est le cabinet qui a été engagé pour défendre Harvey Weinstein contre les poursuites à son encontre.

À juste titre, les travailleurs exigent également que McDonald’s abandonne ses relations avec cette entreprise. La réponse de l’entreprise montre qu’en fin de compte, on ne peut compter que sur des travailleurs organisés et actifs, et non sur une direction qui veut simplement éviter les batailles juridiques, pour mettre fin au harcèlement sexuel.

Les employé(e)s de McDonald’s ont formulé des revendications claires suite à cette action : la fin du harcèlement sexuel et des agressions sexistes sur les lieux de travail, que McDonald’s organise des formations obligatoires pour les gestionnaires et les employé(e)s et crée un système efficace pour recevoir les plaintes et que des comités des travailleuses et travailleurs puisse être formés sur les lieux de travail.

L’emploi de la grève comme méthode de lutte illustre le rôle économique central joué par les femmes dans l’entreprise. Elles ne sont ainsi plus invisibles, et demandent l’égalité sur leurs lieux de travail.

Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs les plus précaires ; les multinationales comme McDonald’s profitent de leur vulnérabilité pour faire davantage de profit en pressant les conditions de travail pour augmenter la productivité.

Le sexisme, qui est présent partout, prend un caractère d’autant plus dur quand les femmes sont sous-payées, avec des contrats instables ; elles ne peuvent y échapper aussi facilement, de peur de perdre leur emploi. Ainsi, une enquête réalisée en 2016 a révélé que 40 % des femmes de l’industrie de la restauration rapide aux Etats-Unis ont subi des comportements déplacés au travail, notamment des remarques sexuelles, des attouchements et même des viols.

Les syndicats doivent faire avancer les choses

Les gens ordinaires ne peuvent pas compter sur la même plate-forme publique que les actrices célèbres pour les soutenir dans leur lutte contre le harcèlement. Pour les travailleurs et travailleuses, un syndicat fort prêt à les soutenir par des frais juridiques et une protection contre les représailles rend possible de se plaindre.

Avant #MeToo, dans le cas de l’agression de Nafissatou Diallo par Dominique Strauss Kahn, c’est son affiliation syndicale qui lui a permis de poursuivre un procès contre lui et de gagner.

Bien que la plupart des travailleurs américains ne soient pas syndiqués, l’intérêt pour les syndicats a considérablement augmenté ces derniers temps. Les enseignants, infirmières, employés d’hôtel, et maintenant de restauration rapide sont à la tête du mouvement des travailleurs.

Le « National Nurses United » (NNU) n’a pas seulement appuyé Bernie Sanders, mais les membres de la base se sont organisés énergiquement pour sa campagne. Et récemment, le NNU est devenu le premier syndicat à s’opposer ouvertement à Brett Kavanaugh dans une lettre publique.

Au printemps dernier, les professeurs de Virginie-Occidentale ont déclenché une vague de grèves dans tout le pays, exposant la réalité de ces travailleurs qui occupent trois emplois pour pouvoir payer leurs factures et qui sont paralysés par leurs dettes étudiantes et les assurances-santé privées.

Dans une industrie réputée pour son harcèlement sexuel, les travailleurs d’hôtellerie se sont également soulevés et ont gagné la possibilité d’installer des alarmes pour le personnel d’entretien ménager qui pourrait subir de l’harcèlement et des agressions de la part des invités.

Pour une indépendance économique des femmes

A travers la lutte des travailleurs et travailleuses de McDonald’s, les syndicats doivent mettre en avant la nécessite d’en finir avec la précarité de secteurs où une grande partie des femmes travaillent.

Il est essentiel pour les travailleuses et les travailleurs d’avoir une indépendance économique qui leur permette de ne pas tomber dans la pauvreté s’ils dénoncent d’éventuels problèmes et qu’ils perdent leur boulot. De bons salaires et de bonnes conditions de travail le permettraient, comme la campagne « 15 Now ! » le propose ainsi que les syndicats qui soutiennent cette campagne.

Dans le cadre du capitalisme en crise, revendiquer un salaire de 15 dollars de l’heure pour toutes et tous cela veut dire casser avec les coupes budgétaires et la politique d’austérité, ce qu’aucun gouvernement n’est prêt à faire aujourd’hui.

C’est pourquoi les syndicats existants doivent dès aujourd’hui pousser au maximum la syndicalisation des travailleuses et travailleurs du secteur de la restauration rapide, pour saisir l’occasion de cette lutte historique afin qu’aucune personne qui fait grève n’ait à craindre des représailles de la part de son patron.

La lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail a besoin de la force combinée des campagnes publiques menées par les syndicats, les nouvelles organisations politiques indépendantes comme le DSA aux Etats-Unis et les organisations de femmes aux niveaux fédéral, régional et local.

La grève de McDonald’s, ainsi que les grèves des enseignants et des employés de l’hôtellerie, constituent un pas magnifique dans cette direction.


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.