Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes & lutte pour le socialisme !

La Journée Internationale des Femmes trouve son origine dans une grève de travailleuses de l’industrie de textile et de vêtements à New York, le 8 mars 1908, menée pour une journée de travail de 8 heures, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote des femmes.

L’année suivante, un appel du Socialist Party américain a débouché sur une lutte de plusieurs semaines pour de meilleurs salaires et conditions de travail, dans laquelle 30.000 travailleuses ont été impliquées. 50 ans après Mai 68 qui a repris cette vieille tradition, la lutte pour les droits des femmes prend un nouveau tournant.

L’année 2017 débutait avec la Women’s March à Washington, le 21 janvier, au lendemain de l’investiture de Trump contre le sexisme, le racisme et les politiques pro-riches. 3,5 milions de personnes sont descendues dans les rues aux USA et des dizaines de miliers d’autres à travers le monde. La même année, en octobre, a démarré le hastag MeToo, visant à dénoncer les harcèlements et violences sexuelles, particulièrement sur le lieu de travail. Depuis, la problématique du sexisme n’a plus quitté le devant de la scène. Des couches de plus en plus larges sont conscientes que si le sexisme est hélas courant, ce n’est pas pour autant une fatalité. Le sexisme quotidien peut être combattu, tout comme la destruction de nos conquêtes sociales (services publics, conditions de travail…) qui le renforce.

Cette révolution a eu un énorme écho international et a signifié un immense pas en avant pour le mouvement ouvrier. En ce qui concerne les conditions de vie et de travail des femmes, ce sont des pas de géants qui ont été réalisés. Les mesures prises il y a 100 ans ont représenté une amélioration fondamentale des conditions de vie des femmes (et des hommes). Ces réalisations sont, pour l’époque, phénoménales en comparaison de ce que les pays occidentaux dits « développés » avaient alors à offrir.

Le jeune état ouvrier russe a légalisé le droit à l’avortement en 1920. Aux Pays-Bas, ce ne fut le cas qu’en 1981 et en Belgique en 1990. L’accès au divorce a été facilité et les droits qu’avaient les hommes mariés sur leur femme ont disparu. En Belgique, refuser des rapports sexuels au sein d’un couple marié a été longtemps considéré comme un non-respect des devoirs qu’impliquait le mariage. C’est seulement depuis 1989 que le viol au sein du mariage est officiellement reconnu et donc punissable. Le congé de maternité est introduit en Russie juste après la révolution alors qu’il a fallu attendre l’après-Seconde Guerre mondiale pour l’obtenir en Belgique. Le travail de nuit pour les enfants a été interdit alors que dans la même période les enfants étaient encore envoyés dans les mines en Belgique.

Les acquis de la révolution russe sont donc énormes (cette énumération n’en est qu’une petite partie) et indiquent clairement ce qui est possible dans une société où la logique du profit cesse de prévaloir et où les richesses existantes sont utilisées pour répondre aux besoins de la majorité de la population. On peut aujourd’hui se demander : si cela a déjà été possible dans les conditions de développement de la Russie de 1917, qu’est-ce qui serait aujourd’hui possible si la science et la technologie, le développement économique et la richesse actuelle étaient mis au service de la majorité de la population et non pas pour répondre aux intérêts d’une élite toujours plus petite !

L’origine de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes

La Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes trouve son origine dans une grève de travailleuses de l’industrie textile et du vêtement à New York, menée pour une journée de travail de 8 heures, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote des femmes, le 8 mars 1908. L’année suivante, un appel du Socialist Party américain a débouché sur une lutte de plusieurs semaines pour de meilleurs salaires et conditions de travail, dans laquelle 30 000 travailleuses ont été impliquées. Cette journée est restée longtemps un jour de fête et de lutte pour les organisations de femmes du mouvement ouvrier, même si la mobilisation s’affaiblissait d’année en année.

De ce point de vue, l’histoire de l’origine de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes ressemble beaucoup à celle du 1er Mai. Tout comme celle-ci, elle célèbre des actions qui ont eu lieu aux États-Unis et qui ont été ensuite reprises internationalement par le mouvement ouvrier organisé. La première célébration internationale, celle qui a été en ce sens la première véritable Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, date de 1911.

La Journée de lutte pour les droits des Femmes du 8 mars 1917 fut cependant la plus tumultueuse et la plus enthousiasmante. Celle aussi qui a eu le plus de conséquences : elle annonçait le début de la Révolution russe. Ce n’est qu’en 1922, à l’appel de l’Internationale Communiste, que la journée a été fixée à une date qui s’est imposée à travers le monde : le 8 mars.

Cette date trouve sa source dans la Russie du début du 20e siècle, une période où le capitalisme exigeait la participation active des femmes dans l’économie du pays. Chaque année, le nombre de femmes qui devaient travailler dans les usines et les ateliers ou comme domestiques augmentait. Les femmes travaillaient ensemble avec les hommes et elles créaient, de leurs mains, une partie de la richesse du pays. Pourtant, les femmes n’avaient pas le droit de vote.

Les femmes ont lutté pour l’acceptation de leurs revendications au sein du mouvement ouvrier

L’acceptation de la revendication du droit de vote des femmes n’était pas évidente dans l’Internationale Socialiste (aussi connue comme la Deuxième Internationale), tout comme ne l’était d’ailleurs pas l’ensemble de la lutte pour les droits des femmes. L’organisation en 1907 par Clara Zetkin et les femmes socialistes allemandes d’une Conférence internationale des Femmes Socialistes – la veille de la Conférence de la Deuxième internationale – a marqué les origines du mouvement de défense des droits des femmes au sein du mouvement socialiste. Une motion y est votée par laquelle les partis adhérents à la Deuxième Internationale s’engagent à lutter pour le droit de vote des hommes et des femmes.

Clara Zetkin était une figure importante dans le parti socialiste allemand, une socialiste convaincue et une championne des droits des femmes, mais aussi une opposante déterminée au féminisme bourgeois. Lors de la réunion où a été décidée la mise sur pied de la Deuxième Internationale (1889), elle avait déjà argumenté que le socialisme ne pouvait pas exister sans les femmes, que les hommes devaient lutter ensemble avec les femmes pour les droits des femmes et que cette lutte faisait partie de la lutte des classes. La réponse peu encourageante qu’elle reçut l’a conduite à prendre l’initiative d’un mouvement socialiste des femmes, ayant pour but d’influencer les partis socialistes. Elle essaya d’acquérir et d’élargir cette influence avec le journal femme socialiste « Die Gleichheit », dont elle était rédactrice en chef.

Mais, malgré l’acceptation de la résolution, l’enthousiasme pour le droit de vote des femmes était tiède dans la plupart des partis socialistes. Pour changer cela et pour impliquer davantage les femmes dans la lutte, la deuxième Conférence internationale des Femmes Socialistes (1910) a décidé de tenir chaque année une journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une journée pendant laquelle on manifesterait, on ferait de la propagande,… En 1911, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes est célébrée en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et aux États-Unis. La liste des pays participants s’est allongée jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Cette guerre n’a pas seulement signifié un massacre, mais également la désintégration de la Deuxième Internationale. Le soutien à la guerre des différents partis socialistes – d’abord la social-démocratie allemande et ensuite tous les partis de la Deuxième Internationale – montre que, dans le cadre d’une analyse réformiste, le soutien à la bourgeoisie nationale avait pris le dessus sur l’internationalisme, sur le refus de laisser les travailleurs de « son » pays tirer sur ceux d’autres pays, et ce au seul bénéfice de leur propre bourgeoisie belliqueuse. Le seul parti qui est resté fidèle aux principes internationalistes du socialisme a été le Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie et en particulier son aile gauche majoritaire (les bolcheviks), sous la direction de Lénine et suivie dans cette voie par une partie de l’aile gauche de l’Internationale Socialiste (la Deuxième Internationale).

L’organisation internationale des femmes a continué d’exister et s’est rangée dans le camp anti-guerre. Les femmes socialistes allemandes, au contraire de la direction du Parti Social-Démocrate allemand, ont aussi continué à mobiliser contre la guerre et contre la répression de l’État. En 1914 notamment, elles ont milité contre la guerre qui approchait à grands pas et contre l’arrestation de Rosa Luxembourg, qui participait avec Clara Zetkin à la direction des groupes de gauche au sein du SPD.

Les protestations à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes ouvrent la voie à la Révolution de février en Russie

Pendant la guerre, les femmes socialistes ont poursuivi les actions de protestation à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, dont la date varie alors entre le 23 février et le 18 mars. Ces protestations étaient fortement centrées sur le manque de vivres et les prix élevés de la nourriture provoqués par la guerre ainsi que sur l’opposition à la guerre elle-même.

C’est ainsi que les femmes socialistes italiennes de Turin ont diffusé une affiche, adressée aux femmes des quartiers ouvriers. L’arrière-plan de leur propagande, c’est alors l’augmentation générale des prix de la nourriture de base, comme la farine (dont le prix a grimpé de 88 % entre 1910 et janvier 1917) et les pommes de terre (+ 134 %). Ces affiches disaient : « N’avons-nous pas assez souffert à cause de cette guerre ? Maintenant la nourriture nécessaire à nos enfants commence aussi à disparaitre. (…) Nous crions : à bas les armes ! Nous faisons tous partie de la même famille. Nous voulons la paix. Nous devons montrer que les femmes peuvent protéger ceux qui dépendent d’elles. »

Mais les protestations les plus spectaculaires ont eu lieu lors de la célébration de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes en 1917 en Russie. Sous la direction d’Alexandra Kollontaï, les femmes russes sont descendues dans les rues. Au centre de leurs préoccupations se trouvaient les conditions de vie qui continuaient à empirer. Le loyer d’un logement à Saint-Pétersbourg avait doublé entre 1905 et 1915. Les prix des produits alimentaires, surtout ceux de la farine et du pain, avaient augmenté de 80 à 120 % dans la plupart des villes européennes. Le prix d’une livre de pain de seigle, qui était la base de la nourriture des familles ouvrières de Saint-Pétersbourg, était monté de 3 kopecks en 1913 à 18 kopecks en 1916. Même le prix du savon avait augmenté de 245 %. Une spéculation énorme et un marché noir de la nourriture et de l’énergie se développaient à toute allure alors que les entreprises fermaient leurs portes les unes après les autres faute d’énergie. Les femmes et les hommes qui étaient licenciés partaient souvent en grève. En janvier et février 1917, plus d’un demi-million de travailleurs russes ont ainsi fait grève, surtout à Saint-Pétersbourg. Comme dans les autres pays impliqués dans la guerre, les femmes formaient une grande partie de ces travailleurs, vu que beaucoup d’hommes avaient été envoyés au front.

À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes (le 23 février du calendrier russe correspond au 8 mars), des ouvrières ont organisé une manifestation passant le long des usines de Saint-Pétersbourg. Beaucoup de travailleurs des usines métallurgiques ont rejoint cette action. Le 25 février, deux jours après le début de l’insurrection des femmes, le Tsar a ordonné que l’armée tire sur les masses pour arrêter le mouvement. Ainsi a commencé la Révolution de Février, qui força le tsar à abdiquer le 12 mars. Le Gouvernement Provisoire qui est mis au pouvoir est le premier gouvernement d’une grande puissance à accorder le droit de vote aux femmes.

Mais, pour le reste, ce gouvernement n’était pas du tout prêt à augmenter le niveau de vie de la majorité de la population et d’ailleurs en était incapable. Le Tsar était parti, mais les grands propriétaires fonciers et les capitalistes continuaient d’exploiter la grande partie de la population et d’accaparer les richesses. À côté de ce Gouvernement Provisoire, une autre force s’est cependant construite, les Conseils (soviets) de délégués élus des travailleurs, paysans et soldats. Ces Soviets sont entrés en concurrence avec le Gouvernement Provisoire sur la question centrale : qui va diriger le pays. De plus, le gouvernement refusait également de mettre fin à la guerre, une revendication qui gagnait toujours plus de soutien parmi les masses, en raison aussi de la campagne menée sans répit par les bolcheviks.

Ce double pouvoir – d’un côté le Gouvernement Provisoire et de l’autre les soviets – ne pouvait pas durer longtemps. Lors de la Révolution d’Octobre, les Soviets, réunissant les représentants élus des masses laborieuses, ont répondu à l’appel des bolcheviks et ont pris le pouvoir. Ces événements ont fixé la date de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes en Russie et en Europe au 8 mars. En 1922, l’Internationale Communiste (ou Troisième Internationale), mise sur pied à l’initiative de Lénine et Trotsky, a fait de cette journée un jour férié communiste.

La dégénérescence du mouvement communiste révolutionnaire coïncide avec celle de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes

L’État ouvrier, arrivé au pouvoir par la Révolution d’Octobre, a donné aux femmes travailleuses des acquis dont les femmes en Occident ne pouvaient alors que rêver. À côté de l’égalité devant la loi, les femmes ont obtenu le droit au travail et à des régimes de travail spéciaux (diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit, congé de maternité,…) qui tenaient compte de la fonction sociale des mères en plus du travail hors de la maison. Et le jeune état ouvrier a aussi été le premier à prendre réellement ses responsabilités envers la majorité de la population sur le plan du logement et des services de base. Les richesses produites par la population ont été, pour la première fois, réellement utilisées pour servir les intérêts des masses par le biais d’une économie planifiée, qui avait au cœur de ses préoccupations les besoins des masses et qui également avait été élaborée dans une première période de manière démocratique à travers les soviets, les conseils des travailleurs, paysans et soldats.

Mais le jeune État ouvrier a fait beaucoup plus encore. L’oppression des femmes est en effet un problème plus profond qu’une simple question de revenu et de salaire. Le droit à l’avortement, la possibilité de divorcer plus facilement, l’abolition des « droits » que les hommes avaient sur les femmes dans le mariage,… tout cela a fait partie des acquis des femmes de la classe ouvrière en Russie – des acquis que les femmes en occident ont dû attendre longtemps encore. Afin de stimuler et d’aider les femmes à sortir de leur foyer et à s’engager dans la société, un travail de formation à grande échelle a aussi été mis sur pied, au moyen de campagnes d’alphabétisation dans les zones rurales et d’un travail de formation pour élever le niveau culturel. Des femmes socialistes ont parcouru cet immense pays pour expliquer aux femmes les droits dont elles disposaient.

Mais la Révolution Russe ne pouvait pas tenir debout et évoluer vers une société socialiste dans l’isolement total dans lequel se trouvait le pays après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe, et tout particulièrement en Allemagne. Ces défaites se sont succédé surtout à cause de la trahison des dirigeants des partis socialistes de la Deuxième Internationale. La société russe se heurtait à un manque de développement technique, à une arriération culturelle dans les vastes régions rurales,… et était en plus entraînée dans une guerre sans fin : les puissances capitalistes de l’extérieur faisant tout pour aider l’ancienne élite dirigeante russe à reprendre le pouvoir, en bloquant les relations commerciales, mais aussi en envoyant des troupes (les armées de 21 pays ont ainsi foncé à travers le territoire russe). La poursuite de la guerre imposée à la société russe a conduit à des famines dans différentes parties du pays.

Le soutien – ouvert et concret – donné par tous les partis russes, excepté les bolcheviks, à la contre-révolution a conduit à une situation dans laquelle de plus en plus de partis ont été mis hors-la-loi. Cette période de « communisme de guerre » est toujours perçue, même aujourd’hui, par une série de partis communistes comme un « modèle » alors qu’il ne s’agissait que d’une adaptation à la guerre, concrète et nécessaire, imposée au jeune État ouvrier. Beaucoup de penseurs bourgeois mettent cela en avant pour montrer combien le « communisme » est « antidémocratique » – bien que dans les pays capitalistes la démocratie ait également été suspendue en temps de guerre et parfois d’une manière encore plus profonde qu’en Russie.

Mais l’échec des révolutions en Europe occidentale et les difficultés économiques internes dans un pays détruit par la guerre ont fait qu’en Russie, une bureaucratie a pu concentrer dans ses mains toujours plus de pouvoir. Cette bureaucratie, sous la direction de Staline, a progressivement étranglé toute opposition et a remplacé le fonctionnement démocratique de l’économie planifiée par son propre pouvoir tout-puissant. Cette prise de pouvoir de la bureaucratie s’est marquée aussi à travers l’adaptation graduelle du programme du Parti Communiste russe envers les femmes, qui a glissé de plus en plus vers la glorification de la maternité et de la famille nucléaire dans laquelle la mère préoccupée du bien-être de la famille occupait la place centrale.

Parallèlement, l’Internationale Communiste (la Troisième Internationale) est devenue partout dans le monde un instrument de cette bureaucratie russe, donnant chaque jour davantage la priorité aux intérêts de la politique extérieure de l’URSS sur les intérêts de la classe ouvrière dans le reste du monde. C’est ainsi qu’a commencé une longue chaîne de trahisons, débutant avec la première Révolution Chinoise dans les années ’20 (au cours de laquelle le Parti Communiste chinois a été forcé d’aider le Kouo-Min-Tang, le parti bourgeois nationaliste au pouvoir), se poursuivant avec la guerre civile espagnole en 1936-39 (au cours de laquelle le Parti Communiste espagnol a notamment utilisé son influence pour retirer leurs armes aux femmes ouvrières et les cantonner au rôle de cuisinières et d’infirmières dans l’armée), dans laquelle les intérêts des travailleurs et paysans espagnols ont reçu une importance bien moindre que les accords que Staline avait conclus avec différents pays capitalistes (ce qui a mené à la victoire de Franco) ou encore avec la Révolution Iranienne de 1979 (au cours de laquelle le Parti Communiste iranien a refusé de jouer un rôle indépendant et de diriger lui-même la lutte, a apporté son soutien à Khomeiny et a totalement abandonné les femmes iraniennes à leur sort. Dans ce cadre, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes a changé de nature dans les pays staliniens pour devenir une sorte de fête des Mères ou de Saint-Valentin, un jour où les femmes reçoivent des petits cadeaux et des fleurs.

Relance de la lutte des femmes dans les années ‘60

Dans le reste du monde, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes a été de plus en plus oubliée pour n’être reprise qu’à la fin des années ’60 par le nouveau mouvement féministe, ce qu’on a appelé la « deuxième vague » (après une « première vague » pour le droit de vote). C’est également la période durant laquelle d’autres mouvements d’émancipation, comme le mouvement pour les droits pour les homosexuels, a connu une forte poussée.

Les années ’60 ont vu un grand afflux de femmes sur le marché du travail. Vu le chômage très bas, les femmes ont été stimulées à aller revendiquer leur place au travail. La nouvelle vague féministe s’est donc développée sur la base de ces conditions économiques favorables. En Belgique, la montée de ce mouvement a été annoncée par la grève des ouvrières de la FN d’Herstal sur la revendication « à travail égal, salaire égal », qui a duré 12 semaines.

Cette nouvelle vague féministe, qui a coïncidé avec le développement d’autres mouvements d’émancipation comme celui des homosexuels, avait comme objectifs d’obtenir l’indépendance économique, de rompre avec la répartition classique des rôles entre hommes et femmes, d’arracher la libération sexuelle, de casser le « plafond de verre » qui maintenait les femmes loin des hautes fonctions, y compris en politique. Dans beaucoup de pays, des acquis importants ont été obtenus grâce à cette lutte, entre autres sur les questions de la contraception et de l’avortement, de l’assouplissement des lois sur le divorce,… illustré par des slogans comme le très célèbre « maître de mon ventre » ou « le personnel est politique ».

En termes légaux, la revendication « à travail égal, salaire égal » a été obtenue tout comme l’interdiction des discriminations professionnelles, mais sur on doit bien constater encore aujourd’hui que les salaires réels des femmes sont toujours en moyenne 25 % plus bas que ceux des hommes.

La lutte n’est pas encore terminée

Malgré les énormes acquis pour les femmes – l’accès à l’enseignement et au marché du travail, la légalisation de l’avortement, la facilitation des procédures de divorce, l’égalité devant la loi,… – obtenus par les luttes dans les pays capitalistes industrialisés, les problèmes ne sont pas fondamentalement résolus. Au contraire. Suite aux dizaines d’années de politique antisociale et néolibérale, un grand nombre d’acquis ont été rabotés. Et ceci touche les femmes très durement.

Une partie d’une liste malheureusement longue !

Un quart des femmes pensionnées ont droit à une pension de moins de 500 euros par mois. Le gouvernement Michel a relevé l’âge l égale de la retraite de 65 à 67 ans et dans le même temps exige une carrière plus longue pour avoir droit à une pension complète. En 2019, il faudra une carrière de 42 ans pour pouvoir bénéficier (à 63ans) d’une pension anticipée alors que la carrière moyenne d’une femme est de 36 ans. Les trois quarts des travailleuses (et un quart de la main-d’œuvre masculine) ne répondent pas à cette exigence de carrière. Dans notre pays, une étude d’Enéo (mouvement social des aînés de la mutualité chrétienne) montre que 4 pensionnés sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Et deux-tiers d’entre eux sont des femmes. La pension des femmes est également en moyenne déjà de plus de 26 % inférieure à celle des hommes. Ces mesures, auxquelles s’ajoute la suppression prévue d’un certain nombre de périodes assimilées (crédit temps, régimes de congé, chômage, études,…), aggraveront encore la situation déjà pénible des femmes au niveau des pensions.

L’accès aux allocations d’insertion (les ex-allocations d’attente), qui avaient déjà été limitées à 3 ans par le gouvernement Di Rupo, a encore été restreint par le gouvernement Michel. Près de deux tiers des 40 000 chômeurs qui ont perdu leurs allocations de cette façon ou à qui elles ont été refusées sont des femmes, dont la moitié sont seules avec enfants. Le gouvernement Michel en a encore rajouté une couche en baissant les allocations complémentaires pour les travailleurs à temps partiel.

Avec la loi Peeters, la demande croissante de flexibilité atteint son paroxysme. Si l’horaire d’une personne peut toujours être modifié 7 jours à l’avance, comment peut-elle encore par exemple prendre ses dispositions pour la prise en charge des enfants.

Les coupes dans les services publics affectent doublement les femmes. Les femmes y sont surreprésentées et donc les premières victimes en tant que membres du personnel. De plus, à cause de la baisse des services, de plus en plus de tâches retombent sur les familles au lieu d’être prises en charge par la société. Et dans les ménages, les femmes prennent en charge en moyenne à 80 % des tâches ménagères.

Nous appelons la double journée de travail, la combinaison des tâches ménagères et des soins avec le travail rémunéré. Beaucoup de femmes travaillent en dehors de la maison aujourd’hui et très peu de filles et de jeunes femmes se voient comme des futures femmes au foyer. Mais la société ne voit toujours pas les tâches ménagères et les soins – que ce soit pour les enfants, pour le mari et, à cause du coût élevé des maisons de repos combiné au faible montant des pensions, toujours plus aussi pour les parents âgés – comme des tâches sociales pour lesquelles il faut créer des services publics. Tout le poids repose dès lors sur les épaules des femmes qui subissent une double journée de travail. Cette double journée, dans la situation d’un marché du travail de plus en plus flexible, fait que beaucoup de femmes ne gagnent pas assez pour être indépendantes sur le plan financier.

Ce manque d’indépendance financière fait que les femmes sont particulièrement vulnérables face à la violence. Même si elles veulent échapper à une relation violente, elles rencontrent plein d’obstacles sur leur route. Comment, avec les bas salaires que beaucoup de femmes subissent à cause du temps partiel, avec les titres-services et autres « petits boulots », avec l’insécurité d’un contrat temporaire ou intérim,… trouver un nouveau logement et des revenus suffisants pour vivre, en particulier s’il y a des enfants ?

La violence contre les femmes est inhérente au capitalisme : elle fleurit sur la division et les préjugés entretenus envers les groupes spécifiques afin de diviser et de paralyser la majorité de la population qui est exploitée et opprimée par la bourgeoisie. Les femmes sont souvent confrontées au harcèlement sexuel dans l’espace public, dans les écoles et les lieux de travail, mais aussi à la violence physique et sexuelle dans leurs familles. Les préjugés envers les femmes font aussi qu’elles doivent souvent travailler bien plus dur pour être perçues comme égales aux hommes. Le sexisme installe des limitations très réelles dans la vie des femmes. Malgré les énormes pas en avant qui ont été faits et la plus grande liberté que les femmes ont aujourd’hui pour décider de leur vie, cette violence perdure.

Une femme sur trois est confrontée un jour à la violence au cours de sa vie. En Belgique, une femme sur sept est victime de violence intrafamiliale grave et 68 % des femmes déclarent avoir un jour été victimes de violence physique ou sexuelle. Environ 70 % des femmes victimes de meurtre ont été tuées par leur partenaire. 8,9 % des femmes ont déjà été victimes avant leurs 18 ans de contact ou de relations sexuelles forcés.

De nouvelles formes d’oppression sont aussi apparues, ou plus exactement de vieilles formes sous une nouvelle apparence. La croissance de l’internet a été utilisée par la mafia du sexe pour assurer un élargissement jamais vu de l’industrie du sexe – le porno est un des plus grands secteurs sur internet. On voit aussi une évolution vers du porno de plus en plus dur, vers la pornographie enfantine. Le porno est présent partout aujourd’hui et diverses études ont montré que cela exerce une pression sérieuse sur les jeunes femmes, en particulier sur le plan de leurs « prestations » sexuelles. Ces études ont montré que, dans 97 % du matériel pornographique, les relations entre les sexes reposent sur l’obéissance et la soumission des femmes. La plus grande partie du matériel porno déborde de clichés du genre « les femmes veulent dire oui quand elles disent non », etc.

La question de la prostitution

Pour beaucoup de jeunes femmes qui atterrissent dans cette industrie du porno, faire des photos est une manière rapide de se faire un peu d’argent, mais cela s’avère aussi souvent être un tremplin vers la prostitution.

Dans la société, le point de départ dans le débat au sujet de la prostitution c’est souvent la notion de ‘choix’. Cependant pour la plupart de ces filles, il n’est aucunement question de choix. Leurs ‘choix’ sont limités par la nature restreinte du capitalisme en crise. Une enquête récente dans neuf pays indique que 60 % des prostituées travaillent dans des conditions d’esclavage, que 38 % disent ne pas avoir d’autre choix en raison de la pauvreté, du racisme, du manque de possibilités et du sexisme. Seulement 2 % des prostituées interrogées pensent qu’elles peuvent arrêter cette activité à tout moment.

Les médias grand public mettent en avant volontiers les compagnies d’escortes qui offrent de la prostitution de luxe afin de démontrer que la prostitution serait un choix. La réalité est différente. Les prostituées de luxe ne représentent qu’une petite minorité. Beaucoup de personnes qui atterrissent dans la prostitution n’ont aucune autre ‘solution’ pour survivre. Il s’agit entre autres des sans-papiers ou des personnes restées sur la touche et qui n’ont aucune source de revenus.

En affirmant que « la prostitution est un droit humain », Amnesty International se joint à un nombre croissant d’institutions, de personnalités publiques et même d’États qui sont mis sous pression afin de faire de l’industrie du sexe un secteur comme les autres. Une organisation des droits de l’Homme qui présente la prostitution comme faisant partie des droits de l’Homme fait naître l’illusion que la prostitution sans exploitation est possible. En fait, la position d’Amnesty International revient à dire que les hommes – ce sont en effet presque toujours des hommes qui font appel à des prostituées – ont le droit d’acheter du sexe et qu’un commerce basé sur l’oppression des femmes ne pose aucun problème. Des études menées aux Pays-Bas et en Allemagne indiquent que ceux qui font des bénéfices sur base de la vente du corps des autres – les proxénètes donc – bénéficient de la légalisation de l’industrie du sexe. La traite des personnes a même augmenté dans ces pays. La plupart des prostituées vivent encore toujours dans l’illégalité et sont vulnérables à la violence sexuelle et physique en plus des autres formes d’abus.

Plutôt que de voir la prostitution comme un «droit de l’Homme», la nécessité de se prostituer pour de nombreuses femmes est entraînée selon nous par les manques de droits sociaux comme le droit au travail, des salaires et des allocations décents et le droit à une vie sans pauvreté. Le chômage élevé, les bas salaires et allocations, le coût élevé du logement, des soins et des services … font tout simplement que beaucoup de femmes atterrissent dans la prostitution. Et également de plus en plus d’hommes, surtout les hommes appartenant à des groupes défavorisés tels que les sans-papiers, atterrissent dans la prostitution, principalement la prostitution homosexuelle. Cela reflète la façon dont, dans la société, des couches toujours plus larges – aussi au-delà des couches traditionnellement défavorisées – atteignent une situation où leurs possibilités de faire des choix sont de plus en plus limitées.

La prostitution n’est pas une question de « choix », mais d’un manque de choix ! ROSA défend les droits des femmes – et des hommes – et lutte contre la criminalisation de la prostitution, ce qui a comme seul effet de pousser ce secteur à travailler encore plus « underground » et à rendre la situation des prostituées encore plus difficile. Mais pour défendre les droits des femmes, nous devons surtout, en plus de la lutte contre la criminalisation, mener une lutte pour un programme social qui offre des possibilités pour les personnes qui se prostituent de quitter la prostitution, même pour celles sans-papier. Les enquêtes réalisées à travers le monde montrent déjà que c’est ce que la majorité d’entre elles veulent.

Nécessité d’une nouvelle Journée internationale de lutte pour les droits des femmes combative dans le cadre de la lutte pour le socialisme

La lutte des générations précédentes pour plus d’indépendance, de liberté et d’égalité a débouché sur de nombreux acquis. Cependant, nous voyons que le capitalisme est capable de convertir tout progrès à son propre avantage et d’en faire une source de profit. Dans une société où la logique du profit continue de prévaloir, aucun acquis ne sera définitif.

Pour arriver à un changement réel de la situation des femmes et des hommes, nous avons besoin d’une société qui fait disparaitre les bases matérielles de l’oppression. La lutte pour l’émancipation d’un groupe opprimé doit être menée par l’ensemble de la classe ouvrière. Quand celle-ci se mettra massivement en action, elle devra tirer avec elle tous les groupes opprimés. C’est ce qui s’est passé au cours de la Révolution russe. Les hommes et les femmes de la classe ouvrière ne peuvent pas se laisser diviser, mais doivent s’unir dans leur lutte pour une société dans laquelle ils y gagnent tous.

Nous voyons dans le monde entier des femmes qui se révoltent contre la réalité quotidienne. Aux États-Unis, il y a des manifestations massives contre les déclarations sexistes de Trump. Les femmes polonaises et irlandaises luttent pour mettre fin à l’interdiction de l’avortement. En Islande, les femmes ont fait grève contre l’écart salarial. En Belgique ces dernières années, les femmes sont principalement descendues dans les rues lors des mobilisations syndicales et elles étaient massivement représentées lors des actions contre les coupes budgétaires dans le secteur non marchand.

Le nombre de femmes et de jeunes filles qui veulent dénoncer et combattre le sexisme augmente à nouveau. Il y a un sentiment de « c’en est assez » et le mouvement féministe connait un nouvel élan. Il y a un rejet radical et marqué de toute forme de subordination et de sexisme. La volonté de s’engager dans la lutte s’accroît. Nous appelons à faire à nouveau de la Journée internationale pour les droits des femmes une journée de résistance des masses.

Nous de luttons pas pour que plus de femmes occupent des postes élevés, telles que la PDG de Proximus, Dominique Leroy, ou la présidente de l’organisation patronale (la FEB), Michèle Sioen, et qu’elles appliquent ensuite la même politique que leurs homologues masculins, c’est-à-dire défendre les intérêts de la classe capitaliste au détriment de millions de travailleurs et travailleuses. Leur objectif et ceux de leur classe sociale ont été clairement expliqués dans un article de ‘De Tijd’, le 31 décembre 2016. Elles font pression sur le gouvernement pour qu’il mette le paquet pour une énième réduction d’impôt pour les entreprises, ce qui mènera indubitablement à des coupes supplémentaires dans la sécurité sociale, avec toutes les conséquences que cela comporte pour la vie de milliers de femmes et de leur famille. Nous n’avons justement pas besoin de telles figures emblématiques, qu’elles soient femmes ou non ! Ainsi, il est apparu que Sanders, d’inspiration socialiste, était beaucoup plus populaire auprès des femmes que Clinton, la candidate pro-Wallstreet. Cela montre que ce genre de politiques identitaires longtemps en vogue n’est pas la voie à suivre.

La place des femmes est dans la lutte contre l’oppression, le sexisme et les économies sans fin que le capitalisme nous impose et qui rendent la vie de la plupart des femmes toujours plus difficile. C’est une lutte pour un programme et un parti qui pourrait libérer la classe entière, les hommes et les femmes, de toutes les formes d’oppressions et de discriminations. Une lutte pour un programme de transformation socialiste de la société !


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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.