En effet, la ministre de la Santé Maggie De Block s’appuie sur un arrêté de 1967 pour limiter le rôle des plannings. Sur la forme, c’est la logique libérale de l’hôpital-entreprise qui prévaut, accompagnée de coupes budgétaires drastiques dans ce secteur. Sur le fond, il s’agit d’une nouvelle attaque contre la liberté des femmes à disposer de leur corps. Luttons pour des moyens de contraception accessibles, gratuits, de qualité et adaptés à toutes les femmes !
Cloisonnement des plannings familiaux et logique néolibérale pour attaquer les femmes
L’obtention de moyens de contraception en CPF comporte plusieurs avantages. Contrairement aux pharmacies, les plannings familiaux sont formés aux méthodes de prévention et à l’accompagnement en toute discrétion des personnes souhaitant obtenir un moyen de contraception ou ayant des questions relatives à leur santé sexuelle et reproductive.
Pour les adolescentes ou les femmes précaires, c’est loin d’être évident de payer entre 10€ et 25€ pour des pilules du lendemain et entre 32€ et 160€ par an pour les pilules contraceptives et autres moyens de contraceptions. Ils ne sont pas toujours remboursés par la mutuelle et nécessitent à chaque fois de pouvoir avancer la somme. De plus, les pilules les moins chères comportent également le plus d’effets secondaires tandis que les pilules de 3e ou 4e génération ne sont quasiment jamais remboursées auprès de l’Inami. En n’effectuant pas une demande de remboursement pour leurs produits, les firmes peuvent plus facilement augmenter le prix de vente, ce dernier étant moins contrôlé : la magie du néolibéralisme1. Rajoutons qu’en 2004, l’État belge a été contraint via une procédure en justice intentée par le secteur pharmaceutique de supprimer le remboursement des pilules contraceptives, et ça a duré jusqu’en 20062.
Aussi, certaines femmes peuvent aussi se sentir jugées par le pharmacien et/ou par les autres clients, en particulier les plus jeunes qui sont régulièrement confrontées – dans les médias, dans la rue ou à l’école – à la peur d’être vue comme une « fille facile » ou même une « salope ». En effet, dans les écoles, contrairement aux garçons, les filles sexuellement actives sont fréquemment humiliées3. L’éducation sexiste se fait partout dans la société. Les femmes apprennent sur leur contrat de travail que leurs compétences valent moins que celles des hommes et dans les médias que c’est leur aspect physique qui les définit. Les politiciens de droite en rajoutent une couche quand ils limitent l’accès à la contraception, à la pilule du lendemain ou à l’avortement. Cette société, l’opinion des femmes ne serait pas suffisante quand il s’agit de leur corps.
Ainsi, selon la ministre de la Santé : « la distribution de médicaments ne fait pas partie des missions des centres de planning familial (…) La prescription de la pilule contraceptive par un médecin reste primordiale dans le cadre du suivi médical des patients (…) »4.
La réaction des CPF ne s’est pas fait attendre : « Les centres de planning ont été les premiers à faire des avortements dans le cadre de l’illégalité, c’est bien clair que ce n’est pas aujourd’hui une position de la ministre De Block et de sa majorité qui va empêcher les travailleurs de distribuer et de faire leur travail correctement et d’encadrer les jeunes filles ou les jeunes femmes » explique Gaëtant De Laever, directeur de la Fédération laïque des CPF5.
En Belgique, la marge entre coupes budgétaires et culpabilisation des femmes se réduit
En 2004, Rudy Demotte (PS), alors ministre-président du gouvernement wallon, ne renouvelle pas le budget permettant d’assurer un stock de pilules du lendemain pour les plannings familiaux à l’intention des jeunes femmes, après seulement 3 années de ce subside. Les femmes de moins de 21 ans espérant ne pas payer ont 3 choix. Le premier : payer en pharmacie et y demander de remplir un formulaire pour pouvoir, par la suite, être remboursé par la mutuelle et ainsi avoir à expliquer devant le pharmacien et la clientèle qu’on a eu un rapport « non-protégé ». Le deuxième : consulter un médecin pour obtenir une ordonnance. La troisième option était la seule permettant de poser toutes ses questions sans crainte d’être jugé : le planning familial6. Ajoutons que le pic d’IVG se fait autour de l’âge de 27 ans, il apparaît nécessaire d’étendre la gratuité et l’accès de la pilule du lendemain à toutes les femmes.
En 2012, la ministre wallonne de la Santé Éliane Tillieux (PS) se félicitait d’élargir l’offre d’animations EVRAS (Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle) par la création de 15 équivalents temps plein sous le statut précaire d’Aide à la Promotion de l’Emploi (APE)7. Deux ans plus tard, la même Éliane Tillieux, devenue ministre wallonne de l’Emploi, sous couvert de l’austérité, amène une réduction de 1,5 % du budget pour les APE, grignotant encore un peu plus sur le secteur non marchand déjà en manque de moyen8.
Fin 2014, la Région wallonne passe plus ouvertement à l’offensive. Avant Maggie De Block, c’était Maxime Prévot (CdH), vice-président du gouvernement wallon et ministre de la Santé et de l’Action sociale qui déclare illégale la distribution gratuite de la pilule du lendemain dans les CPF9. Dans les faits, cela pourra tout de même se produire à la condition qu’un médecin soit présent et suite à une consultation de ce dernier. Compte tenu de la pénurie de généralistes, cela constitue un frein énorme pour un accès libre et gratuit à la pilule du lendemain. La médecine à deux vitesses organisée par Maggie De Block impacte directement les droits des femmes.
En 2014, des élues PS et Ecolo ont cherché à créer un régime d’exception pour les CP, ce qui est, en tant que tel, positif. Un tel projet de loi, accompagné d’un budget permettant par exemple de financer la gratuité de la pilule aurait été le bienvenu lorsque le PS était dans la majorité au fédéral au lieu de couper dans les budgets pour la santé. Le sous-financement de ce secteur et les restrictions sur la gratuité et acceptabilité de la pilule du lendemain ont été organisés tant par des politiciens néerlandophones que francophones.
Comme l’explique Gaëtan De Laever : « Nous sommes donc face à une situation hétéroclite, car en cas de problème, la responsabilité de cette distribution illégale retombe non seulement sur le centre de planning familial, mais aussi sur la personne qui a délivré ladite pilule. Des médecins sont bien présents au sein des plannings familiaux, mais pour quelques heures seulement. Pas suffisamment pour faire face aux demandes. Cette situation disparate serait aussi le résultat du nouveau décret de 2014 portant sur le financement des plannings qui octroie des subventions directes aux plannings familiaux, et plus au travers des fédérations. Certains auraient été tentés, dans la foulée, de suivre l’injonction de l’Administration wallonne quant à l’interdiction de distribution de la pilule du lendemain. »10.
Mon corps, mon choix !
Début de l’année, le gouvernement belge se posait en défenseur des femmes en participant à un fonds international de soutien à l’avortement au moment où Trump interdisait le financement des ONG pratiquant l’IVG. En Belgique, une telle attaque passerait difficilement. Cela n’empêche pourtant pas les différents gouvernements de grignoter petit à petit le droit des femmes à disposer de leur corps.
Rappelons qu’en Belgique, l’interdiction de l’avortement est toujours bien inscrite dans le Code pénal et que le droit à l’avortement n’est en faite qu’une dérogation plutôt qu’un réel droit. De plus, le 9 février dernier, la Chambre a adopté une proposition de loi à l’initiative du MR permettant une reconnaissance de paternité dès le 1er test de grossesse, ce qui pourrait limiter le choix de la femme en ce qui concerne l’avortement. Ajoutons que selon une étude de 2014 portant sur les pays développés, la chercheuse Gilda Sedgh rappelle que « 80 % des grossesses non désirées se produisent chez des femmes qui n’ont de toute façon pas accès aux méthodes modernes de contraception à cause d’une précarité économique, sociale ou familiale »11.
Avec ROSA, en tant qu’organisation féministe-socialiste, nous pensons évidemment que l’IVG doit sortir du Code pénal. Laisser les femmes décider ce qu’elles font de leur corps ne peut pas être un délit ! En parallèle, il faut rendre la contraception gratuite, facilement accessible et de qualité alors qu’elle reste très chère pour les plus petites bourses. Nous ne nous limitons donc pas à la défense du droit à l’avortement, nous nous positionnons en tant que pro-choix. Nous défendons également le droit d’élever un enfant dans de bonnes conditions sans vivre avec l’angoisse de ne pas parvenir à boucler la fin du mois comme c’est le cas pour 80% des familles monoparentales en Belgique. Pour cela, une lutte est nécessaire pour obtenir des allocations familiales qui couvrent réellement le coût d’un enfant, des services publics de qualité et de meilleures conditions de travail.
Notes
1https://archives.enmarche.be/Mutualite_service/Honoraires_et_remboursements/20130207_remboursement_contraception.htm
2 http://www.plateformefemmes.be/IMG/pdf/etude_loRES.pdf
3 http://www.terrafemina.com/article/slut-shaming-chez-les-ados-les-filles-sexuellement-actives-humiliees-les-garcons-recompenses_a284345/1
4 https://parismatch.be/actualites/politique/42144/plus-de-pilule-du-lendemain-distribuee-les-plannings-familiaux-reagissent
5 https://www.rtbf.be/info/societe/detail_plus-de-pilule-du-lendemain-dans-les-plannings-familiaux-il-est-grand-temps-qu-on-change-le-systeme?id=9608012
6 http://www.socialisme.be/fr/247/pillule
7 http://www.cdh-wallonie.be/notre-action-au-pw/archives/interpellations/l2019interruption-volontaire-de-grossesse-au-sein-des-centres-de-planning-familial-et-les-politiques-a-privilegier-en-cette-matiere
8 https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_conclave-budgetaire-wallon-reduction-des-aides-a-la-promotion-de-l-emploi-ape-de-1-5?id=8367153
9 http://pro.guidesocial.be/actualites/pilule-du-lendemain-les-plannings-familiaux-veulent-sortir-de-l-illegalite.html
10 http://pro.guidesocial.be/actualites/pilule-du-lendemain-les-plannings-familiaux-veulent-sortir-de-l-illegalite.html
11 Moustique du 1er au 6 avril 2017 « Avortement – La lutte continue », page 27