Féminisme socialiste : luttons pour la régularisation !

On estime qu'il y a 150 000 sans-papiers en Belgique, dont près de la moitié sont des femmes. Nous devons nous unir pour la régularisation de tous-tes les sans-papiers afin qu'elles/ils bénéficient des mêmes droits que les autres travailleurs-ses et ne puissent plus être instrumentalisés pour aggraver les conditions de vie de toute la population.

On estime a 150.000 le nombre de personnes sans-papiers en Belgique, soit 1% de la population1. Près de la moitié de ces personnes sont des femmes2, souvent avec une famille à charge (enfants, aînés etc.). Les conditions de vie liées à l’illégalité de leur séjour en Belgique les excluent de toutes les formes de protection sociale et les laissent particulièrement vulnérables face aux abus et aux discriminations sur leurs lieux de travail et même au sein de leur vie privée et familiale.

La menace de l’expulsion pèse lourdement sur les capacités de réaction contre des violences, les personnes sans papiers ayant souvent un statut de dépendance économique face à leur employeur et/ou à leur partenaire. La précarité et l’exploitation des travailleuses sans-papiers sont des réalités connues depuis bien longtemps et pourtant leur situation ne s’améliore pas.

Politiques migratoires brutales

Durant les 5 années du gouvernement Michel, les personnes sans-papiers ont été durement attaquées par des politiques migratoires brutales. Le racisme institutionnel a été aggravé.

Et le nouveau gouvernement ne montre pas de volonté de changer de politique. Le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration Sammy Mehdi (CD&V) refuse d’écouter les sans-papiers. Il veut continuer à traiter les dossiers au cas par cas sans rien céder concernant un changement de législation. Une fois de plus, les personnes sans-papiers sont sacrifiées3.

Pour de nombreuses femmes, devenir “sans-papiers” c’est-à-dire décider de rester vivre en Belgique sans titre de séjour, est la conséquence d’une non reconnaissance des violences spécifiques vécues par les femmes dans de nombreux endroits du monde (mutilations génitales, mariages forcés, non accès à la santé ou à l’enseignement, etc… ).

L’absence de perspectives d’avenir, la déshumanisation de la société, l’objectivation du corps des femmes et les discriminations engendrées par le capitalisme favorisent les violences, le sexisme, l’lgbtqi+phobie et le racisme et toutes les autres oppressions4.

Vulnérabilité des femmes sans-papiers

Poussées dans la clandestinité, les femmes sans-papiers sont obligées de passer dans l’économie informelle pour pouvoir survivre, ce qui les laissent très vulnérables face aux réseaux d’exploitation.

Elles travaillent en dehors de toute législation du travail, surtout dans les secteurs de la garde d’enfants, des soins aux personnes âgées et du nettoyage … tant de services qui – dans la fonction publique – ont été détruits par des années successives d’austérité et – dans le secteur privé – sont souvent hors de prix.

Le recours à des personnes sans papiers est alors vu comme une alternative permettant une main d’œuvre flexible et exploitable à souhait. Cela positionne les femmes sans-papiers dans des situations où les violences physiques, psychologiques et également sexuelles sont régulièrement présentes.

De plus, cela participe à la précarisation du marché du travail et de la société dans son ensemble. Sans parler des réseaux de prostitution, qui considèrent souvent les femmes sans-papiers comme une source inépuisable de personnes à exploiter.

Pourtant, de nombreuses femmes sans-papiers sont diplômées et/ou expérimentées dans des secteurs qui sont en pénurie aujourd’hui en Belgique5. Et dans nombre de ces secteurs, ce sont des femmes qui compensent les manques de places ou d’accès comme par exemple pour les crèches, les soins de santé ou encore en assumant la majorité des tâches domestiques.

Pendant la pandémie

Pendant la pandémie, les travailleuses sans-papiers – comme de nombreuses femmes – se sont retrouvées en première ligne : en soignant des personnes à domicile, en fabriquant des masques, en nettoyant chez les personnes qui ne peuvent le faire et en travaillant dans de nombreux secteurs dits essentiels.

Des emplois qui sont indispensables au fonctionnement de notre société et pourtant, qui sont fortement dévalorisés, ce qui explique – en partie – les pénuries de travailleurs pour certains de ces secteurs.

Au lieu de permettre à ces travailleuses – via une régularisation – de participer pleinement à la vie économique et sociale de la société et de cotiser pour la sécurité sociale, le gouvernement préfère les laisser dans la clandestinité.

Les personnes sans-papiers sont alors très vulnérables face à l’exploitation par des patrons qui profitent de cette main d’œuvre bon marché, ce qui permet également de faire pression sur l’ensemble des salaires.

Diviser pour mieux régner

“Diviser pour régner” est une tactique bien connue des dirigeants pour sauvegarder un système qui ne protège que leurs intérêts. Nous devons résister à toute tentative de division des travailleurs.

Nous avons besoin de luttes unies pour des meilleurs conditions de travail pour toutes et tous, hommes ou femmes, avec ou sans-papiers. Nous avons besoin que les syndicats organisent toutes les couches des travailleurs, y compris les plus exploitées, pour défendre de manière déterminée le niveau de vie de l’ensemble des travailleurs afin de ne pas être utilisé les uns contre les autres.

En effet, si le travail au noir mène à des salaires plus bas pour tout le monde, une régularisation des travailleurs sans titre de séjour mène à des salaires plus élevés pour tous6.

De nombreuses femmes sans-papiers se sont engagées avec enthousiasme dans plusieurs mouvements visant a defendre leurs droits et ceux de tou.te.s les travailleur.se.s. Des centaines de femmes sans-papiers se sont réunies dans les occupations politiques de l’Union des Sans-papiers pour la Régularisation (USPR) et participent à la grève de la faim entamée par les occupant.e.s ce 23 mai 2021.

A plusieurs reprises, elles ont participé à la construction des mouvements féministes, notamment lors des actions du 8 mars ou des mobilisations pour la défense de la Convention d’Istanbul. Ainsi en 2018, la Ligue des travailleuses domestiques a vu le jour, regroupant de nombreuses femmes sans papiers, à l’initiative de la CSC.

Les femmes sans-papiers exposées à la violence sexuelle

Sur base d’une enquête menée en 2017, les violences vécues par les travailleuses du nettoyage à domicile avaient été clairement établies : une travailleuse sur trois est/a été victime de violences sexuelles sur son lieu de travail.

La clandestinité augmente clairement ces risques et laisse les victimes sans réel recours face à leurs agresseurs ainsi qu’une plus grande difficulté à obtenir un accompagnement pour les victimes.

La ligue a alors développé des revendications permettant de lier leurs demandes spécifiques aux revendications générales du secteur : lutte contre l’exploitation des travailleur·euse·s migrant·e·s avec ou sans papiers, lutte contre les violences (harcèlement, violences sexuelles et morales, exploitation), accès à une couverture maladie, accès à des logements décents, et également régularisation par le travail, fermeture des centres fermés et arrêt de l’enfermement des enfants et accès à l’éducation pour les travailleuses et leurs enfants7.

Il nous semble indispensable d’intégrer les revendications et combats spécifiques des femmes sans papiers dans les luttes générales visant à l’émancipation des femmes.

Unissons-nous pour la régularisation de tous-tes les personnes sans-papiers

La régularisation doit être centrale dans nos revendications car la clandestinité ne permet que plus d’exploitation et de violences. Nous avons besoin de nous unir pour la régularisation de toutes les personnes sans-papiers afin qu’ils puissent disposer des mêmes droits que les autres travailleurs et qu’ils ne puissent plus être instrumentalisés pour diminuer les conditions de vie de l’ensemble de la population.

Dans le combat contre l’austérité et l’exploitation, nos meilleurs alliés sont les autres victimes de ce système de plus en plus inégalitaire. Pour lier les luttes des différentes couches opprimé.e.s par cette société, nous avons besoin d’un programme de revendications sociales capables de combattre la marginalisation, la pauvreté et l’exploitation.

Il nous semble indispensable d’intégrer les revendications et combats spécifiques des femmes sans papiers dans les luttes générales visant à l’émancipation des femmes.

Un seul groupe de la population profite de l’oppression des sans-papiers et de l’oppression spécifique des femmes. Pour le patronat, c’est une opportunité pour miner l’ensemble des conditions de travail et de salaires. Nous devons dénoncer toute tentative de l’extrême droite, des médias ou du gouvernement de pointer du doigt les immigrés comme boucs émissaires des échecs de la politique d’austérité et de la faillite du capitalisme.

Combattre le racisme et le sexisme par la solidarité

Nous entendons combattre le racisme et le sexisme par la solidarité. Nous avons tous droit au logement, à l’éducation, aux soins, à la dignité. C’est la construction d’une unité dans les luttes qui nous permet de développer un rapport de force capable de défier les racines systémiques des oppressions et de lutter pour un réel changement de société.

En effet, la crise capitaliste entraîne dans son sillage plus de divisions, dont le racisme et le sexisme, et plus de violences. Mettre fin aux oppressions signifie, pour nous, renverser ce système capitaliste – qui ne sert les intérêts que d’une minorité – et construire un tout autre type de société qui ne se base pas sur l’exploitation, une société socialiste.

Nos revendications

La Campagne ROSA relie différentes revendications à ce combat: 

  • Stop à la criminalisation! Régularisation immédiate de toutes les personnes sans-papiers!
  • Luttons pour l’indépendance économique des femmes!
  • Pour des emplois décents pour toutes et tous
  • Pour un salaire minimum de 14 euros de l’heure
  • Pour une individualisation des droits et une revalorisation des allocations sociales au-dessus du seuil de pauvreté.
  • Pour des logements abordables, la construction massive de logements sociaux
  • Luttons pour un refinancement des services publics comme l’enseignement, les soins de santé et les services familiaux (crèche, garderie, maisons de repos, …), afin que ces tâches ne reposent plus uniquement sur le dos des familles et particulièrement des femmes.
  • Luttons pour l’accès pour tou.te.s aux structures de prise en charge des victimes de violences sexuelles.
  • Pour un refinancement public du secteur social afin d’offrir un accompagnement correct aux victimes de violences et de discriminations mais également de faire un réel travail de prévention et de conscientisation.
  • Pour des investissements publics dans la création de refuges pour les personnes qui en ont besoin.
  • Pour un accès aux centres de prévention contre les violences sexuelles et aux refuges pour toutes les victimes avec ou sans papier.
  • Pour la possibilité de porter plainte pour les travailleuses – avec ou sans papier – victimes de violences au travail tout en étant protégées.

 


Notes

  1. https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_femmes-sans-papiers-a-quand-la-prochaine-regularisation?id=10227027
  2. https://www.myria.be/files/Myriatics-6-FR.pdf
  3. https://fr.socialisme.be/58436/regularisation-des-sans-papiers-bilan-apres-deux-mois-doccupation-de-leglise-du-beguinage
  4. https://fr.socialisme.be/56398/solidarite-avec-la-lutte-des-femmes-sans-papiers-et-de-leurs-enfants
  5. https://www.cire.be/communique-de-presse/si-les-personnes-sans-papiers-ne-sont-pas-regularisees-cest-toute-la-societe-qui-se-prive-de-leurs-competences/
  6. https://fr.socialisme.be/58806/interview-de-fortunat-kabwebeya-porte-parole-du-comite-des-travailleurs-avec-et-sans-papiers-de-la-csc-bruxelles
  7. http://www.revue-democratie.be/images/articles-en-pdf/mars_20/interview_Eva_Jimenez_Magali_Verdier.pdf

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ROSA organise des actions, des événements et des campagnes pour combattre le sexisme et le système qui l’entretient : le capitalisme.